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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2008-2009

Compte rendu
intégral

Séance du lundi 19 janvier 2009

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Alain Néri

1. Application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution

Discussion des articles (suite)

Rappel au règlement

M. Jean Mallot

Après l’article 7 (suite)

Amendement no 3399 à 3420

Après l’article 7 (suite)

Rappels au règlement

M. Jean-Marc Ayrault

M. Jean-Pierre Brard

Mme Chantal Brunel

M. André Santini, secrétaire d’État

M. Jean-Marc Ayrault

Après l’article 7 (suite)

Amendement no 3509 rectifié à 3530 rectifié

Rappel au règlement

M. Jean-Pierre Brard

M. le président

Après l’article 7 (suite)

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement

Rappels au règlement

M. Jean-Jacques Urvoas

M. Jean-Marc Ayrault

Mme Martine Billard

M. Jean-François Copé

M. François Sauvadet

M. Jean-Marc Ayrault

M. Jean-François Copé

M. Jean-Marc Ayrault

M. Jean-François Copé

Mme Delphine Batho

M. Jean-Christophe Lagarde

Après l’article 7 (suite)

Amendement no 3343 à 3464

Rappels au règlement

Mme Delphine Batho

M. Arnaud Montebourg

Après l’article 7 (suite)

Rappel au règlement

M. Christian Paul

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur

Après l’article 7 (suite)

Rappel au règlement

M. Marcel Rogemont

Après l’article 7 (suite)

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Demande de vérification du quorum

M. Jean-Marc Ayrault

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Alain Néri,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution

Suite de la discussion d’un projet de loi organique

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi organique relatif à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution (nos 1314, 1375).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Samedi après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant aux amendements nos 3399 à 3420 portant article additionnel après l’article 7.

M. Jean Mallot. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Monsieur le président, au moment où nous allons reprendre pour une deuxième semaine l’examen d’un texte extrêmement important pour le devenir de nos travaux parlementaires, je voudrais rappeler que, la semaine dernière, quelques incidents ont perturbé lesdits travaux, notamment lorsque le Gouvernement a appliqué le deuxième alinéa de l’article 44 de la Constitution à des sous-amendements.

Vous connaissez notre position en la matière. Je rappellerai simplement que nous contestons l’invocation de la décision du Conseil constitutionnel qui aurait, paraît-il, validé cette disposition. J’aurai l’occasion, je pense, dans un futur rappel au règlement, de développer plus avant notre point de vue.

Après l’article 7 (suite)

M. le président. Je suis saisi de vingt-deux amendements identiques, nos 3399 à 3420, visant à introduire un article additionnel après l’article 7.

M. Manuel Valls. Ils sont défendus !

M. Marcel Rogemont. Ils sont tous défendus !

M. le président. Je mets aux voix…

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois, de la législation et de l’administration générale de la République, rapporteur. Monsieur le président, vous oubliez de demander l’avis de la commission et du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. En effet.

La parole est à M. le rapporteur, pour donner l’avis de la commission des lois sur ces amendements. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Monsieur le président, la commission est défavorable et demande dix minutes de suspension de séance. (Vives protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La suspension est de droit.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt et une heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Monsieur le président, je vous demande une nouvelle suspension de séance de cinq minutes. (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marcel Rogemont. Scandaleux ! Tout cela parce que la droite est absente !

M. Bruno Le Roux. Nous sommes venus pour débattre, pas pour que l’on suspende la séance !

M. le président. La suspension est de droit, mais je vous ferai simplement observer, monsieur le rapporteur, qu’à cette allure nous n’allons pas arriver au bout de la soirée ! (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe SRC.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt et une heures quarante-sept, est reprise à vingt et une heures cinquante-deux.)

M. le président. La séance est reprise.

Après l’article 7 (suite)

M. le président. La parole est à M. André Santini, secrétaire d’État chargé de la fonction publique, pour donner l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 3399 à 3420.

M. André Santini, secrétaire d’État chargé de la fonction publique. Je vous demande une suspension de séance, monsieur le président. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, la suspension de séance est de droit, mais je vais auparavant donner la parole au président Ayrault et à M. Brard, qui me l’ont demandée pour des rappels au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58, alinéa 1.

Au nom de mon groupe, je veux souligner que la majorité a un mal fou à se mobiliser sur un projet de loi qui fait problème.

M. Christian Paul. C’est la division !

M. Jean-Marc Ayrault. Nous l’avons constaté samedi encore. Quant aux Français qui ont suivi les débats à la télévision, ils ont été surpris de voir le groupe UMP muet, et le ministre et le rapporteur tenter, en vain, de ridiculiser les députés de gauche qui ont parlé des problèmes des Français, de l’éducation, de la santé, de la sécurité. À chaque fois, on disait à ces députés qu’ils étaient hors sujet, alors que les droits du Parlement sont justement faits pour que les problèmes des Français soient évoqués ici, à l’Assemblée nationale. Nous nous battons pour cela. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Et si nous sommes majoritaires depuis le début de cette séance, c’est parce que la majorité, qui est minoritaire, est mal à l’aise, gênée, et qu’elle ne trouve plus d’arguments pour défendre ce projet de loi qui devrait être revu.

Pour nous les choses sont claires et simples. Un article pose problème : c’est l’article 13. Vous voulez avancer ? Alors, arrêtez de demander des suspensions de séance ! Vous voulez aller jusqu’au bout de l’examen de ce projet de loi ? Eh bien, retirez l’article 13 et nous pourrons, avec le président de l’Assemblée nationale, qui a d’ailleurs fait des déclarations intéressantes, travailler sur un règlement qui ne serait pas dicté par le Président de la République et le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) C’est l’affaire de l’Assemblée nationale ! C’est son règlement intérieur ! Faites ce geste et vous n’aurez plus de problème de majorité parce que le règlement sera débattu et, je l’espère, adopté de façon consensuelle. (Mêmes mouvements.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le secrétaire d’État, la gauche est majoritaire dans l’hémicycle comme elle l’est dans le pays aujourd’hui ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Et regardez qui est présent sur les bancs de la majorité (« Nous ! » sur les bancs du groupe UMP) : il y a des Provençaux, des Francs-Comtois, des Jurassiens, des Normands !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Il y a des Français !

M. Jean-Pierre Brard. Il y a même M. Mallié, qui a évidemment travaillé tout le dimanche (Sourires), mais qui est quand même là aujourd’hui !

M. Christian Paul. Il a mauvaise mine, d’ailleurs !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le secrétaire d’État, je pensais que, pour gagner du temps, vous alliez nous raconter de ces fameuses histoires dont vous avez le secret. Vous auriez pu, par exemple, nous raconter la visite du pape à Issy-les-Moulineaux, qui est restée dans les mémoires ! Ainsi, vous n’auriez pas eu à demander des suspensions de séance qui décrédibilisent le Gouvernement et la majorité. L’intérêt de la République, ce n’est pas de décrédibiliser le débat. Or, la majorité fait de l’obstruction (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP) en n’étant pas là !

Monsieur le président, pourquoi nos collègues de l’UMP ne sont-ils pas là ? Les Parisiens, les Franciliens sont géographiquement les plus proches, mais ils délèguent aux provinciaux le soin de les représenter. Pourquoi ne sont-ils pas là ?

M. Jean Mallot. Et Copé, où est-il ?

M. Jean-Pierre Brard. Parce qu’eux non plus ne veulent pas de la loi du bâillon, et qu’ils ont perdu la motivation ! (« Copé ! Copé ! » sur les bancs du groupe SRC.) Messieurs les centurions de l’UMP, vous êtes privés de l’usage de la parole ! Mais, à la différence des centurions, vous n’avez même pas le droit de faire des gestes. Tels les hallebardiers dans Aïda, vous êtes réduits à faire de la figuration !

M. Richard Mallié. Pas de provocation, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Et si vous en êtes là, c’est parce que le moral n’y est pas. Vous n’êtes d’ailleurs même pas en mesure de faire de la figuration intelligente puisqu’on vous l’interdit !

Monsieur le secrétaire d’État, rappelez-vous Borodino ! C’était une victoire apparente, mais qu’y a-t-il eu après ? Il y a eu Moscou et la Bérézina ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Rires sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. Jean-Christophe Lagarde. Ah, Moscou ! On y revient toujours !

M. Jean-Pierre Brard. Et c’est vers la Bérézina que vous nous emmenez ! Le président Ayrault vient de le dire fort justement, la Bérézina, c’est l’article 13 ! Et comme vous êtes superstitieux, plus nous avançons vers l’article 13,…

M. Jean-Christophe Lagarde. Plus la retraite de Russie s’avance !

M. Jean-Pierre Brard. …et plus vous vous comportez comme de mauvais chevaux : vous avancez, mais en vous cabrant ! Oui, monsieur le secrétaire d’État, vous vous cabrez comme les ânes de votre village corse. (Sourires.) Vous n’osez plus aller de l’avant !

Monsieur le rapporteur, si vous êtes allé dans les couloirs, vous avez dû voir que nos collègues socialistes ont des régiments en réserve (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC),et le président Ayrault est comme l’Empereur quand il dirigeait les batailles : c’est lui qui engage les forces. Vous, monsieur le secrétaire d’État, qui êtes corse, vous savez ce que cela veut dire ! Si vous ne voulez pas faillir et tomber ce soir, vous devez interrompre la séance pour que le Gouvernement délibère et retire l’article 13 ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Chantal Brunel.

Mme Chantal Brunel. Je veux dire courtoisement à nos collègues de l’opposition que si nous ne sommes pas si nombreux ce soir dans l’hémicycle, c’est parce que les Français ne comprennent pas pourquoi nous passons autant de temps à nous mettre d’accord sur un règlement.

M. Jean Mallot. Retirez le texte !

Mme Chantal Brunel. Nous avons eu droit à de l’obstruction pendant toute la semaine dernière. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Cette stratégie, dont notre image ne sort pas grandie, ne fait que renforcer l’antiparlementarisme. Nous serions sans doute plus nombreux ce soir dans l’hémicycle si les séances précédentes avaient été plus positives.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État. (« Enfin ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. André Santini, secrétaire d’État. Bien que je connaisse la très grande culture de M. Brard, j’aimerais demander quelques minutes de suspension pour effectuer une vérification historique. Quand il a cité la bataille de Borodino, ne songeait-il pas plutôt à celle d’Eylau, qui inspira la célèbre phrase : « Après cette victoire, sire, il n’y a plus d’armée impériale » ? (Sourires.) Je vous soupçonne, monsieur Brard, d’avoir abusé de vos connaissances et de notre naïveté pour nous induire en erreur… (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Par ailleurs, si j’étais parlementaire,…

M. Marcel Rogemont. C’est pour bientôt !

M. André Santini, secrétaire d’État. …je vous demanderais une rectification pour fait personnel. En effet, vous avez honteusement attaqué les ânes de mon village. (Rires.) On comprend aisément pourquoi : ils ne peuvent pas se défendre ! Mais moi qui les ai connus pour avoir vécu avec eux, je tiens à le faire pour eux. (Même mouvement.)

Enfin, monsieur le président, puisque nous nous apprêtons à examiner une série d’amendements identiques, je demande, pour gagner du temps, la réserve du vote sur les amendements nos 3399 à 3420, au titre de l’article 96 du Règlement.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, je n’ai pas très bien compris : le Gouvernement a-t-il demandé une suspension de séance ou non ?

M. André Santini, secrétaire d’État. Je l’ai retirée. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Jean-Christophe Lagarde. Cela prouve que le secrétaire d’État est ouvert ! (Sourires.)

M. Christian Paul. Quelle cacophonie !

M. Jean-Marc Ayrault. Vous reculez, monsieur Santini ? On le comprend : vous êtes face à un obstacle, puisque vous devez défendre au nom du Gouvernement un projet de loi que vous êtes loin de connaître dans le détail (Protestations sur les bancs du groupe UMP), bien que vous soyez docteur en droit.

Quoi qu’il en soit, on voit que vous voulez gagner du temps. Point n’est besoin de chercher des arguments pour défendre ce texte, puisqu’il est indéfendable. Vous ne vous en donnez d’ailleurs pas la peine. J’aimerais cependant que l’on respecte le travail des députés. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. Il faudrait d’abord donner l’exemple !

M. Jean-Marc Ayrault. Je ne demande qu’à poursuivre la discussion du texte et l’examen des amendements du groupe socialiste. J’espère que le Gouvernement ne leur réservera pas le même sort qu’à ceux dont le vote vient d’être réservé. Acceptera-t-il au moins que l’Assemblée en débatte, ou préférera-t-il nous donner un avant-goût de ce qui se passera demain si le projet de loi organique est adopté et le règlement de l’Assemblée nationale, modifié ?

Il faut que les choses soient claires. La semaine dernière, M. Copé nous a lancé : « Profitez-en parce que, dans quelques semaines, ce sera fini ! Vous n’aurez plus qu’à vous taire ! »

Mme Isabelle Vasseur. Il parlait de l’obstruction !

Mme Chantal Brunel. Il n’a pas dit cela !

M. Jean-Marc Ayrault. J’espère que vous ne partagez pas cette conception, monsieur le secrétaire d’État.

Je souhaite donc savoir, monsieur le président, si nous pouvons continuer à débattre de nos amendements.

M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez demandé la réserve du vote sur les amendements nos 3399 à 3420. Elle est de droit.

Nous passons donc à la discussion des amendements suivants.

Après l’article 7 (suite)

M. le président. Je suis saisi de vingt-deux amendements identiques, nos 3509 rectifié à 3530 rectifié.

La parole est à M. Manuel Valls, pour soutenir l’amendement n° 3509 rectifié.

M. Manuel Valls. Nous en venons donc à l’examen, sinon au vote, de l’amendement n° 3509 rectifié portant article additionnel après l’article 7. S’il avait été mis aux voix il y a un instant, il aurait été adopté. Mais le rapporteur et le secrétaire d’État nous ont opposé une manœuvre d’obstruction indigne.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. On ne peut pas tenir de tels propos !

M. Christian Paul. Trop tard : ils figureront au compte rendu !

M. Manuel Valls. On voit d’ailleurs la différence entre ceux qui usent de l’obstruction pour éviter la véritable discussion et ceux qui, comme nous, cherchent à défendre les droits du Parlement.

Cet amendement tend à imposer, avant le dépôt des projets de loi, une phase de consultation et d’enquête publique. À nos yeux, ces deux étapes essentielles s’ajouteront à l’obligation d’effectuer une étude d’impact, nécessaire mais non suffisante.

Nous pensons qu’il faut associer à l’élaboration des lois les citoyens pour qui elles sont faites. Par conséquent, nous devons nous donner le temps indispensable pour que, grâce aux associations et par le biais des différentes procédures existantes, les citoyens soient associés au travail législatif. C’est essentiel, si l’on veut éviter que la contestation ne monte de la rue contre les lois bâclées que le Gouvernement entend imposer. Regardons l’actualité : après la fermeture de la gare Saint-Lazare, le pouvoir a contesté une loi votée il y a seulement dix-huit mois, pour nous en proposer une autre, preuve qu’il cherche à utiliser le Parlement à des fins purement politiciennes.

Nous considérons que la concertation doit être la plus large possible, n’ayant cessé d’insister sur le rôle que doivent jouer le Conseil économique et social, la Cour des comptes, le Centre d’analyse stratégique, la Commission nationale consultative des droits de l’homme et le Comité national d’éthique, destinés à éclairer le législateur. Le grand juriste Guy Carcassonne, que nous citons volontiers dans nos débats, a souligné le rôle joué par quelques grands juristes dans l’élaboration de nos lois : « On ose à peine évoquer le temps heureux où un garde des sceaux, Jean Foyer, imité en cela par plusieurs de ses successeurs, confia à un rédacteur unique – mais à la compétence également unique, il est vrai, puisqu’il s’agissait de Jean Carbonnier – le soin de préparer les projets qui réformèrent profondément le régime des incapacités, ainsi que des pans majeurs du droit de la famille. » Le Gouvernement ne devrait-il pas s’inspirer de ceux qui ont œuvré, dans notre Assemblée, pour que la loi soit plus efficace et mieux comprise de nos concitoyens ?

Je saisis l’occasion pour répondre à Madame Brunel : comme M. Urvoas, cosignataire de l’amendement, et comme tous mes collègues, j’ai pu constater sur le terrain la très grande inquiétude que suscitent non seulement un texte visant à museler le Parlement et l’opposition, mais aussi la situation économique du pays et la politique sociale du Gouvernement. Un sujet retient particulièrement leur attention, qui se trouve au cœur de l’amendement : la privatisation de nombre d’entreprises publiques.

L’expérience a montré à quel point ce sujet est important. Si une obligation d’évaluation renforcée avait été imposée au gouvernement actuel ou au précédent pour les projets relatifs à la privatisation des entreprises publiques, ils auraient évité de commettre nombre d’erreurs ou de manquer à leur parole, notamment à propos des autoroutes ou de GDF. Quant au dossier de La Poste, même si le Gouvernement semble avoir renoncé à son projet de privatisation, nous restons vigilants.

Telle est la philosophie des amendements que nous avons déposés et que nous défendrons pied à pied tout au long de cette séance.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour soutenir l’amendement n° 3510 rectifié.

M. Arnaud Montebourg. J’observe qu’un consensus se dégage parmi les observateurs de l’activité normative et législative. Aujourd’hui, la loi est non seulement bavarde, mais inutile, voire source d’insécurité juridique. Il ne s’écoule pas une année sans que, dans une institution aussi honorable que le Conseil d’État, la section des études et du rapport ne dénonce l’inflation dangereuse de lois contradictoires empêchant l’activité des professionnels du droit. Les avocats doivent s’équiper d’outils informatiques sophistiqués pour rechercher la norme juridique qui s’applique à leurs dossiers. Les magistrats soulignent à l’envi, dans les chroniques judiciaires, à quel point il est devenu difficile de juger. Les professeurs de droit répètent à des générations d’étudiants que leur matière est éclatée.

La responsabilité en incombe au Parlement, que le Gouvernement et les administrations, comme saisis de crises d’urticaire, chargent de voter des lois pour en changer quelques mois plus tard. Les exemples abondent. La loi accroît l’insécurité juridique. Elle empêche l’accessibilité du citoyen à la règle commune. Elle est devenue un danger social, au lieu d’être un instrument de paix sociale. On le constate dans de nombreux domaines, mais nous avons choisi d’appeler l’attention de nos collègues sur la question de la privatisation des entreprises publiques.

M. Manuel Valls. Très bien !

M. Arnaud Montebourg. Ce sujet est devenu extrêmement préoccupant dans une période où l’arasement des services publics et le retrait des territoires opéré par l’État amènent la population à rechercher en vain la solidarité nationale ou locale. Le législateur qui vote les textes de manière précipitée, sans réfléchir ni mûrir ses décisions, agit de manière préjudiciable à tous. Si l’on avait un tant soit peu réfléchi à l’avenir du réseau de notre pauvre Poste, fondé par Louis XI, nous n’en serions pas là. Regardez ce qu’a produit la mise en concurrence des grands réseaux nationaux de l’électricité, du gaz ou des lignes ferroviaires. La désintégration des grands services publics ne produit que des difficultés.

Les élus des régions rurales ont constaté que la disparition du monopole de France Télécom avait contraint les Français à se doter de mâts de Wifi et de Wimax. Aujourd’hui, nous ne pouvons que constater les conséquences d’une législation insuffisamment réfléchie. C’est pourquoi nous demandons, par cet amendement, l’évaluation, la surévaluation, la confirmation, la réflexion et la délibération sur les projets de loi relatifs à la privatisation d’entreprises publiques.

Je vous en prie, mes chers collègues, pensez aux conséquences concrètes qu’ont eues, dans vos circonscriptions, les lois précipitées qui ont mis le service public sur le banc de touche de notre vie sociale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour soutenir l’amendement n° 3511 rectifié.

Mme Aurélie Filippetti. Je tiens à monter à la tribune pour prendre la parole, car le sujet est d’importance.

M. Richard Mallié. Cela nous avait échappé !

Mme Aurélie Filippetti. L’amendement propose de renforcer les études d’impact avant la privatisation de toute entreprise publique.

Faut-il égrener la liste…

M. Claude Goasguen. Non ! Pitié !

Mme Aurélie Filippetti. …des employés d’ArcelorMittal, entreprise privatisée en 1986, qui se trouvent aujourd’hui dans une situation sociale catastrophique ? Elle s’apprête à supprimer 600 postes dans ma circonscription et 1 400 autres sur le reste du territoire, et tout cela aucune stratégie industrielle pour pérenniser l’activité en France, ni rien dans le « contrat de revitalisation » passé entre ArcelorMittal et l’État. Tel est le bilan du long processus de désintégration de l’outil sidérurgique qui se déroule dans notre pays depuis 1986. Cela n’aurait-il pas mérité deux mois d’enquête publique, avec une phase de consultation et une étude d’impact d’une durée d’au moins un mois chacune ?

Faut-il encore citer l’exemple d’Alcatel, privatisé par la droite, de Thalès, privatisé en 1996, et dont une partie des actions est en train d’être rachetée par M. Dassault, toujours selon une logique exclusivement financière et sans aucune stratégie industrielle ? Faut-il parler de GDF, du bilan désastreux de la privatisation des autoroutes, dénoncé par un rapport de la Cour des comptes, et qui ne laisse pas insensibles nos collègues du Nouveau Centre ? Faut-il revenir, après Arnaud Montebourg, sur la privatisation, programmée, de La Poste, qui inquiète tous nos concitoyens sur l’ensemble du territoire ?

Faut-il enfin rappeler cette grande époque où l’on voyait – souvenir douloureux pour beaucoup de nos concitoyens – les portes de Paribas s’ouvrir sur un magnifique escalier de marbre, par lequel tous les Français semblaient invités à monter ? Quel est le bilan de cette privatisation aujourd’hui ?

M. Jean-Pierre Brard. Ils ont vendu le marbre !

Mme Aurélie Filippetti. La privatisation des entreprises publiques ne mériterait-elle pas un peu plus d’intelligence, de temps pour la concertation, et des études approfondies faites par des instituts de recherche indépendants plutôt que par Bercy ? M. Goasguen a parlé en commission de cette nécessaire indépendance…

M. Richard Mallié. Monsieur le président, c’est trop long !

Mme Marie-Christine Dalloz. Le président est complaisant !

Mme Aurélie Filippetti. Confions les études d’impact à des organismes indépendants pour analyser vraiment les conséquences des privatisations.

Tel est l’esprit dans lequel nous défendons cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho, pour défendre l’amendement n° 3513 rectifié. Je l’invite à faire le même effort de concision que Mme Filippetti…

Mme Delphine Batho. Je n’y manquerai pas, monsieur le président.

Par cet amendement, nous proposons de procéder à des études d’impact renforcées s’agissant de la privatisation d’entreprises publiques.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est toujours le même amendement !

Mme Delphine Batho. Cela exige une enquête publique et la consultation d’autorités indépendantes, des associations et des syndicats.

Nous sommes dans un contexte particulier,…

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Certes !

Mme Delphine Batho. …avec une crise financière, une récession,…

M. Jean-Pierre Soisson. Ce qu’il y a de particulier, c’est l’obstruction !

Mme Delphine Batho. …et beaucoup semblent redécouvrir les vertus de l’intervention de l’État dans l’économie.

Il faut en tirer les conséquences quant à la façon dont nous considérons les entreprises publiques, surtout lorsqu’il y a des projets de privatisation. Or un projet de changement de statut de La Poste est aujourd’hui sur la table. Nous espérions que le Gouvernement, dans un tel contexte de crise, allait y renoncer, se rendre compte qu’il n’est pas possible de mettre La Poste en Bourse. Au moment où l’on trouve des centaines de milliards pour les banques, sans doute pourrait-on trouver les quelques milliards dont l’entreprise publique La Poste a besoin.

Or il n’en est rien. Le Président de la République, bottant en touche, a dû renvoyer ce sujet brûlant à la commission Ailleret, à laquelle, selon son habitude, il a néanmoins brûlé la politesse en décrétant, avant qu’elle ne rende son rapport, que La Poste devait changer de statut ! Le projet de loi doit être examiné par l’assemblée en juin, et beaucoup d’élus de zones rurales savent comme moi combien il suscite de mobilisation. Dans ma circonscription, plus de 500 élus, de toutes sensibilités, ont signé la pétition contre la privatisation de La Poste. La moindre des choses serait de réaliser, avant le débat de juin, une étude d’impact renforcée sur les conséquences de ce changement de statut.

M. Jean-Pierre Brard. Et un examen psychologique du ministre !

Mme Delphine Batho. Je souligne au passage la malignité de la majorité. Elle sait très bien que nous voulions, sur cette privatisation, faire usage du nouvel article 11-3 de la Constitution, permettant le recours au referendum d’initiative populaire. Malheureusement, cet article ne sera pas encore en vigueur, puisque le Gouvernement a choisi de présenter un projet de loi organique pour restreindre la liberté de débat du Parlement…

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Oh !

Mme Delphine Batho. …et de ne pas inscrire à l’ordre du jour, en revanche, le projet de loi organique qui permettrait de mettre en œuvre le recours au référendum à l’initiative d’un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales.

Il importe d’avoir à l’esprit que ce projet de changement de statut viendra devant le Parlement en juin, au moment même où il est question de restreindre notre possibilité de ralentir le Gouvernement lorsque ses projets sont mauvais.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Quel aveu ! Vous voulez bloquer la procédure !

Mme Delphine Batho. Absolument ! Nous aurions voulu et nous voudrions faire de l’obstruction sur ce projet de loi changeant le statut de La Poste ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves le Bouillonnec, que j’invite, lui aussi, à ne pas intervenir trop longuement, de sorte que chacun puisse s’exprimer dans une atmosphère attentive.

M. Jean-François Copé. Très bien !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le président, outre le fait que j’étais inscrit avant Mme Batho, si en plus vous me demandez de réduire mon temps de parole, je vais avoir des difficultés à m’entendre avec vous... (Sourires.)

Il vaut la peine de rappeler comment se déroule ce débat. (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC.) Vendredi dernier, nous avons examiné l’article 7. Le débat a été tumultueux, car il portait moins sur le texte que sur les conditions dans lesquelles on essayait de nous priver du droit d’amendement. Néanmoins, M. Warsmann a fait adopter son amendement sur l’étude d’impact.

La question n’a pas été tranchée pour autant, ce qui nous a conduits à maintenir nos amendements après l’article 7. Il convient en effet de prévoir une procédure particulière pour les dispositifs législatifs relatifs à la privatisation des entreprises publiques. C’est un enjeu essentiel, comme ceux que nous avons abordés samedi toute la journée. Au passage, monsieur le président, je fais observer que, si nous sommes ici un lundi soir, c’est qu’on nous a fait venir, et qu’il n’est pas normal qu’on nous fasse attendre que le groupe majoritaire soit en nombre suffisant pour passer au vote sur les amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Nous, nous sommes là !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cela n’a rien à voir avec l’amendement !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. J’y reviens. Nous suggérons que, dans un certain nombre de cas, l’on mette en œuvre une procédure d’évaluation renforcée comportant deux éléments : d’abord une enquête publique, lancée deux mois au plus tôt avant le dépôt du projet sur le bureau de l’Assemblée, pour collecter l’intégralité des expressions relatives à ce dispositif ; ensuite, une consultation de toutes les autorités compétentes.

Si nous voulons cette évaluation renforcée chaque fois que l’on envisage de faire sortir une entreprise publique de notre patrimoine républicain, c’est que, dans un tel cas, il n’est pas question de faire délibérer l’Assemblée rapidement, en essayant de profiter du fait majoritaire, sans qu’elle ait une parfaite connaissance de la situation. On le sait, les privatisations d’entreprises publiques ne se sont jamais faites dans le consensus, mais dans la confrontation, et bien souvent la décision a été prise contre l’opinion. Je m’étonne toujours qu’on veuille réformer la justice contre les magistrats, l’éducation nationale contre les enseignants, l’administration contre les fonctionnaires. On doit compter d’abord sur les juges pour bien réformer la justice, sur les enseignants pour que l’éducation nationale réponde à l’attente des Français…

M. le président. Mon cher collègue, il faut vous acheminer vers votre conclusion…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Enfin, s’agissant de l’avenir même des services publics, tels que l’eau, l’électricité ou le gaz, il faut faire participer l’ensemble de la population. C’est d’autant plus important que le Gouvernement a omis de nous faire débattre d’abord de ce qui était pour nous essentiel dans la réforme de la Constitution, à savoir le referendum d’initiative populaire. Si nous avions étudié ce texte aujourd’hui…

M. le président. Je vous remercie. La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour soutenir l’amendement n° 3511 rectifié.

Mme George Pau-Langevin. Nous avons déposé cet amendement pour que l’on réalise une évaluation renforcée en cas de privatisation d’une entreprise publique.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Toujours le même amendement ! Déposé vingt-deux fois à seule fin de bloquer l’Assemblée !

Mme George Pau-Langevin. Vous savez combien les entreprises publiques sont importantes pour la gauche, par ce qu’elles représentent pour la valeur d’égalité et pour la défense de l’intérêt général. Il convient de saluer leur rôle essentiel, notamment celui de La Poste. On veut aujourd’hui revenir sur son statut, après y avoir déjà touché il y a quelques années, au mépris de la condition des agents, qui faisaient un travail considérable avec beaucoup de conscience professionnelle. Nous sommes donc très inquiets. S’agissant de France Télécom, déjà, nous avons eu le sentiment que les considérations économiques prenaient le pas sur le service public. Alors, que nous prépare-t-on pour La Poste ?

Je suis élue d’une circonscription populaire où le rôle de La Poste est incommensurable. Ses habitants, d’origine souvent très modeste, ne comprennent pas toujours les subtilités de notre système financier. Grâce aux agents de La Poste, dont on ne saluera jamais assez le travail, ils peuvent ouvrir un compte et obtenir des explications sur son fonctionnement.

Dans les arrondissements populaires, une modification du statut de La Poste pourrait se révéler dramatique si elle ne faisait pas préalablement l’objet d’une évaluation approfondie du rôle de celle-ci, sur le plan tant économique que social.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. J’adore La Poste, mais ce n’est pas le sujet de l’amendement ! Chaque orateur ne va tout de même pas parler des bureaux de poste de son département !

Mme George Pau-Langevin. Il me semble que, dès lors qu’il s’agit de toucher à des entreprises publiques aussi importantes qu’EDF ou La Poste, il serait très grave de ne pas consulter toutes les personnes intéressées.

M. le président. La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l’amendement n° 3515 rectifié.

J’invite l’oratrice à prendre exemple sur Mme Pau-Langevin, dont l’intervention était concise et précise.

Mme Marietta Karamanli. Les études d’impact renforcées sont nécessaires en matière de privatisations d’entreprises publiques.

En effet, le principe d’égalité devant les charges publiques, qui justifie l’intervention du législateur, est mis en cause. Au regard de l’intérêt public, les entreprises dont l’État est propriétaire ne doivent pas être cédées à vil prix. Cet impératif a été confirmé par plusieurs décisions du Conseil constitutionnel. Dans un contexte où la valeur des entreprises en général, et celle des entreprises publiques en particulier, est susceptible de connaître des variations de valeur significatives du fait de décisions irrationnelles prises par des acteurs opérant sur des marchés aveugles, il convient de disposer d’instruments utiles à la décision publique.

Si, pour Keynes, le critère de l’entreprise privée, c’est le profit, il ne peut en aller de même pour les entreprises publiques. Pour paraphraser ce grand économiste, si gaspiller ou polluer permet de gagner de l’argent, les entreprises privées gaspilleront et pollueront ; si, en revanche, elles peuvent gagner de l’argent en dépolluant et en étant bien gérées, elles le feront. Spontanément, le capitalisme n’est pas socialement responsable.

Face aux seules règles du marché et en l’absence de données sur la valeur réelle des entreprises publiques, il appartient donc aux responsables politiques de faire prévaloir une vision qui garantisse l’avenir social des générations futures. Ils doivent non seulement utiliser les lois, les taxes et les incitations financières, mais aussi se doter, avant toute décision de privatisation, d’une connaissance précise de l’utilité économique, sociale et environnementale des biens de la nation.

Tel est l’objet de cet amendement, que j’ai déposé avec Bernard Roman.

M. le président. La parole est à M. Jacques Valax, pour soutenir l’amendement n° 3516 rectifié.

J’invite l’orateur à prendre exemple sur Mme Karamanli, qui s’est montrée précise et claire.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est un jugement qu’on peut ne pas partager !

M. Jacques Valax. Nous sommes le lundi 19 janvier, il est vingt-deux heures trente et la gauche est majoritaire dans l’hémicycle. Pourquoi ?

Parce que nous avons travaillé samedi à la demande du Gouvernement. Après nous être reposés dimanche, nous, gens de gauche, avons repris le collier ce lundi, parce que, historiquement et sociologiquement, nous avons l’habitude de travailler dur et fort ! (Exclamations et rires sur les bancs des groupes UMP et NC.) Quant à ceux qui nous ont précédés, ils ont travaillé encore plus dur et plus fort ! (Mêmes mouvements.)

La majorité a exigé que nous travaillions samedi, et nous avons récupéré plus vite qu’eux, en nous contentant du dimanche. Mais, si le travail du dimanche devait devenir la norme dans les mois à venir, je me demande combien de députés nous retrouverions dans cet hémicycle le mardi ! La majorité aura besoin de récupérer jusqu’au mercredi !

M. Guy Lefrand. Revenez donc au fond de votre amendement !

M. Jacques Valax. Tout cela s’explique sociologiquement : les élus de la majorité ont l’habitude de commencer leur week-end le vendredi à dix-sept heures. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cela suffit !

M. Guy Lefrand. Qu’est-ce que c’est que ce procès ?

M. Philippe Vigier. C’est de l’obstruction !

M. Jacques Valax. Vous avez d’ailleurs supprimé l’école le samedi matin pour pouvoir aller à la mer ou au ski, alors que nous, gens du peuple, travaillons encore jusqu’au samedi soir ! (Vives protestations sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Richard Mallié. Ça suffit, maintenant !

M. Jacques Valax. L’amendement n° 3516 rectifié vise à imposer, avant le dépôt d’un projet de loi relatif à la privatisation d’entreprises publiques, une phase de consultation et d’enquête publiques. Ces étapes préalables s’ajouteraient à l’obligation de réaliser une étude d’impact.

Il est impératif d’associer à l’élaboration de la loi ceux à qui celle-ci s’adresse. La concertation présente un intérêt en termes d’efficacité, car la loi sera mieux d’être acceptée, et donc plus efficace, si elle est le produit de l’association entre son destinataire et le législateur.

Il s’agit de consulter les citoyens en amont de la procédure législative, afin de leur offrir d’autres moyens d’expression que la contestation dans la rue d’une loi déjà adoptée. Craignez donc la rue, elle seule dit la vérité !

M. Jean-François Copé. Il est distrayant, ce type ! Il faut le garder !

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir l’amendement n° 3517 rectifié.

M. Alain Vidalies. À ce stade de nos débats, la situation est assez étonnante. Nous sommes obligés de parler sans voter d’un texte sur lequel la majorité veut nous contraindre à voter sans parler ! (Applaudissements et rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Ce moment restera dans les annales. Toutefois, ce n’est pas nous qui avons choisi de débattre de ce sujet alors que nous nous trouvons dans un contexte économique et social très particulier et que, jour après jour, les nouvelles sont de plus en plus inquiétantes. À ce propos, je trouve remarquable l’invention de concepts nouveaux par les responsables de la majorité et du Gouvernement. Cela leur permet de constater les dégâts sans avoir à déposer les armes devant une idéologie qu’ils combattent depuis longtemps. Un mot apparaît ainsi dans la bouche des ministres ou dans celle des commentateurs invités sur les chaînes de télévision. La France, selon eux, devrait subir la crise moins abruptement que ses voisins grâce aux « amortisseurs sociaux ». Il s’agit en réalité de tout ce que la gauche défend depuis des années : la sécurité sociale, les transferts sociaux...

M. Claude Goasguen. Quel rapport avec l’amendement ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La sécurité sociale a été créée par le général de Gaulle !

M. Alain Vidalies. La majorité devrait prendre conscience que les entreprises publiques font aussi partie de ces fameux « amortisseurs sociaux » – même si elle les a privatisées dès qu’elle a pu le faire. Ainsi, aujourd’hui, le secteur bancaire, comme d’autres secteurs privatisés,…

M. Bernard Deflesselles. Quel est le lien avec l’amendement ?

M. le président. Laissez M. Vidalies s’exprimer, il va conclure.

M. Alain Vidalies. Je commence à peine, monsieur le président…

Puisque nous évoquons la nécessité de mener des enquêtes publiques avant de privatiser, je voudrais dénoncer un scandale au cœur duquel se trouve cette majorité. Il s’agit de la privatisation des autoroutes. Un petit nombre en a profité alors que l’État, et donc l’ensemble des citoyens français, a fait une très mauvaise affaire. Vous avez agi dans la précipitation et en catimini, et la Cour des comptes a même relevé que vous aviez bradé le patrimoine public au bénéfice de quelques-uns. L’évaluation renforcée que nous voulons mettre en place vous aurait permis d’éviter une telle erreur. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert, pour soutenir l’amendement n° 3520 rectifié.

M. Christian Eckert. Monsieur le rapporteur, je pense que cet amendement peut vous rendre service. Vous nous avez très longuement expliqué, dans la nuit de vendredi à samedi, que vous aviez beaucoup travaillé sur la notion d’« ampleur » d’une réforme. Le quatrième alinéa de l’article 7 du projet de loi organique précise en effet que : « La teneur de l’évaluation est fonction de l’ampleur de la réforme proposée… »

Pour ma part, je ne comprends pas cette notion. Qu’est-ce que l’« ampleur » d’une réforme ? Qu’est-ce qui est grand, qu’est ce qui est petit ? Vous qualifiez d’« énorme » le déficit des régimes sociaux, qui tourne autour de 10 milliards d’euros, mais vous oubliez de préciser que l’entreprise Total fait 12 milliards de bénéfice, comme si ce montant était faible ou normal ! Et je ne parlerai pas de Mittal, car Aurélie Filippetti l’a fait avant moi.

Il faut comparer les choses et les relativiser. Le montant des franchises médicales s’élève à 800 millions d’euros. Est-ce beaucoup ou peu ? J’estime que, pour ceux qui les paient, c’est énorme.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cela n’a rien à voir avec l’amendement ! C’est de l’obstruction à l’état pur !

M. Marcel Rogemont et M. Jacques Valax. Monsieur le rapporteur, calmez-vous !

M. Christian Eckert. Le bonus des dirigeants des grandes banques : est-il grand, est-il petit ? Vous avez refusé de nationaliser ces entreprises, même partiellement, au moment où vous leur accordiez 260 milliards d’euros…

M. Jean-Pierre Brard. 360 milliards !

M. Christian Eckert. …sous forme de garantie ou de versements directs. Nous voulions, pour notre part, limiter les rémunérations exceptionnelles en les encadrant par la loi. Nous avions proposé des amendements en ce sens ; vous les avez refusés en prétendant renvoyer la régulation à une charte. Tout cela pour qu’aujourd’hui des élus de l’UMP menacent simplement de dénoncer ceux qui perpétuent ces pratiques : ils doivent trembler !

M. le président. Monsieur Eckert, il faut conclure.

M. Christian Eckert. Il est clair, en tout état de cause, que les privatisations constituent des réformes d’une ampleur qui nécessite une évaluation renforcée.

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche, pour une présentation, que j’espère concise, de l’amendement n° 3518 rectifié.

M. Christophe Caresche. J’essaierai de ramasser mon propos, monsieur le président, et de me concentrer sur la défense de mon amendement, afin de rassurer le président de la commission des lois.

Les évaluations préalables telles qu’elles ont été proposées par le Gouvernement…

M. Manuel Valls. On ne peut pas écouter M. Caresche tant que M. Lellouche n’a pas de cravate ! (Exclamations et rires sur divers bancs.)

M. Christophe Caresche. Je vais donc attendre que M. Lellouche ait achevé de nouer sa cravate.

M. le président. Ne vous laissez pas impressionner, monsieur Caresche... (Sourires.)

M. Christophe Caresche. Je ne suis nullement impressionné par M. Lellouche !

Les évaluations préalables telles qu’elles ont été proposées par le Gouvernement, disais-je, nous ont paru – à tous, d’ailleurs – insuffisantes. Nous avons donc travaillé, et le rapporteur a fait des propositions. Si celles-ci sont positives, elles ne vont pas néanmoins jusqu’à prévoir – et c’est là l’originalité de nos amendements – une phase d’enquête publique qui permette la consultation de la population.

Cette idée sérieuse et intéressante répond d’ailleurs, d’une certaine manière, à la préoccupation de Pierre Rosanvallon qui, dans ses derniers ouvrages, estime que l’association des citoyens au travail législatif est l’un des défis que doit relever la démocratie représentative. En effet, une enquête publique au cours de laquelle ils seraient consultés serait de nature à réconcilier les Français avec le Parlement, puisqu’ils se retrouveraient davantage dans nos débats. On ne peut pas à la fois se désespérer que les débats du Parlement soient caricaturés et rarement repris par la presse,…

M. Richard Mallié. Vos collègues et vous y êtes pour beaucoup !

M. Christophe Caresche. …et refuser de mettre en œuvre des dispositifs qui permettraient de mieux le faire connaître et, surtout, d’associer les citoyens à ses travaux. Le concept d’évaluation renforcée est donc très important.

M. Richard Mallié. Et vous y croyez ?

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot, pour soutenir l’amendement n° 3412 rectifié.

M. Jean Mallot. Je vous remercie, monsieur le président, de me donner la parole pour présenter en cinq minutes…

M. le président. En deux minutes, monsieur Mallot. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Mallot. …cet amendement que j’ai cosigné avec M. Lesterlin, lequel m’a demandé de m’exprimer en notre nom à tous deux.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est toujours le même amendement, à la virgule près !

M. Jean Mallot. Puisque c’est l’excellent Philippe Martin qui me succédera à ce micro, j’essaierai, mais ce ne sera pas facile, d’être à la hauteur de son talent. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Tout d’abord, je veux dire ma grande frustration de n’avoir pu, tout à l’heure, à cause de l’obstruction de la droite, défendre mon amendement prévoyant une évaluation renforcée pour les projets de loi relatifs à l’organisation de la justice. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) En effet, il serait intéressant que l’on puisse connaître l’impact des réformes judiciaires sur le territoire. Je pense notamment à mon département, où la suppression du tribunal de grande instance est en train de causer des dégâts considérables et de mettre en pièces la justice de proximité.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cela n’a rien à voir avec l’amendement !

M. Jean Mallot. Mais puisque, manifestement, les esprits se sont un peu échauffés, je souhaiterais recadrer notre discussion. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Par cet amendement, nous souhaitons renforcer l’application de l’amendement Warsmann qui a, je le rappelle, récrit l’article 7 du projet de loi organique, notamment en y introduisant la notion d’étude d’impact, définie de manière plus précise et plus complète. Nous souhaitons en effet aller au-delà et associer les futurs destinataires des lois à leur élaboration, de manière à boucler, en quelque sorte, la boucle du processus législatif.

M. Richard Mallié. On a compris, ça suffit !

M. Jean Mallot. Que ce soit dans le cadre de missions d’information ou de missions permanentes – comme la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, que j’ai l’honneur de coprésider avec Pierre Morange –, auxquelles nous sommes un certain nombre à participer, nous travaillons à l’évaluation des dispositifs législatifs existants et de leur application, évaluation qui nous permet ensuite d’élaborer des propositions, que nous formulons bien souvent sous forme d’amendements aux textes qui nous sont soumis. Or ces études d’évaluation renforcée faciliteraient grandement notre travail puisque, réalisées en amont, elles nous permettraient d’élaborer des lois beaucoup plus performantes et mieux adaptées aux besoins de nos concitoyens et de simplifier leur évaluation a posteriori.

M. le président. Merci, monsieur Mallot.

M. Jean Mallot. Monsieur le président, je souhaiterais revenir un instant sur l’amendement Warsmann (Protestations sur les bancs du groupe UMP), afin de préciser un point dont vous conviendrez qu’il n’a pas été évoqué jusqu’ici lors de la présentation des autres amendements, qui sont, certes, voisins du mien, mais différents.

Dans l’exposé sommaire de cet amendement qui, je le rappelle, a récrit l’article 7, il est précisé que « la législation nationale doit être mise en regard des obligations imposées par le droit communautaire ». Or – et là est toute la portée de mon amendement – nous constatons que, sur des questions touchant à la frontière entre public et privé ou à la privatisation et à la mise en concurrence du secteur public et du secteur privé, les autorités nationales s’abritent derrière une prétendue réglementation européenne pour aller au-delà de ce que celle-ci impose. En effet, une fois le service public de notre pays fragilisé par cette mise en concurrence, on impose progressivement le raisonnement selon lequel il est nécessaire d’aller au bout de la logique en ouvrant le capital des entreprises publiques. On voit donc bien la manière dont l’engrenage se met en place pour déboucher finalement sur une privatisation.

M. le président. La parole est à M. Philippe Martin, pour soutenir l’amendement n° 3523 rectifié.

M. Philippe Martin. Il est difficile de prendre la parole après notre excellent collègue Mallot.

M. Michel Herbillon. Alors abstenez-vous !

M. Philippe Martin. Monsieur le président, j’arrive à l’instant – un peu essoufflé, pardonnez-m’en – du département du Gers, où j’ai passé une partie de la journée avec des représentants des services publics. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Tout d’abord, il est probable que, si ce projet de loi organique avait fait l’objet d’une évaluation renforcée avant son dépôt, il n’aurait pas été rédigé de la même manière et n’aurait même sûrement pas été déposé. Mais, pour bien vous faire comprendre l’intérêt de cet amendement, je prendrai l’exemple de ces services publics dont le Gouvernement organise actuellement la disparition, voire la privatisation. Je pense notamment à Météo France, dont la direction, appuyée par le Gouvernement, veut supprimer les centres départementaux. Or, ces derniers jours, de fortes chutes de neige ont provoqué une situation catastrophique, notamment à Marseille, au point, d’ailleurs, que le Premier ministre a souhaité une évaluation renforcée des moyens qui ont été mis en œuvre pour déneiger le Vieux-Port. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cela n’a rien à voir avec l’amendement !

M. Philippe Martin. Sans Météo France, il est évident que les services de l’équipement, les sapeurs-pompiers et les gendarmes n’auraient pas pu agir de manière efficiente. Il nous paraît donc indispensable que toute privatisation d’un service public – et les exemples sont nombreux – fasse l’objet d’une évaluation renforcée, car cette procédure vous empêchera de faire des bêtises.

M. le président. Merci, monsieur Martin.

M. Philippe Martin. Au fond, notre objectif est de vous empêcher de faire des bêtises. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Christian Paul, pour soutenir l’amendement n° 3525 rectifié.

M. Christian Paul. Puisque nous évoquons les services publics, je vous rappelle que, le 29 janvier prochain, dans toutes les villes de France, des citoyens se rassembleront par dizaines de milliers pour les défendre.

Mme Delphine Batho. Absolument !

M. Christian Paul. Et je souhaiterais mettre à profit le temps de parole qui nous est accordé par le Gouvernement pour appeler nos concitoyens à participer massivement à ces manifestations.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cela n’a rien à voir avec l’amendement !

M. le président. Monsieur Paul, je vous demande de revenir à l’amendement. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bruno Le Roux. Nous sommes au cœur du débat !

M. Christian Paul. C’est très juste, monsieur le président, nous sommes au cœur du débat. Pourquoi les Français descendront-ils dans la rue le 29 janvier ? Ils ont cent motifs de le faire, mais il en est un qui nous est particulièrement cher : la défense du service public.

M. Jacques Domergue. Il se moque de vous, monsieur le président !

M. Christian Paul. Au reste, la majorité leur donne une raison supplémentaire de participer à cette manifestation, en s’opposant très clairement à cet amendement, qui prévoit que les lois visant à privatiser les services publics doivent faire l’objet d’une réflexion supplémentaire, d’une consultation, bref : d’une étude d’impact. Car, en vérité, mesdames et messieurs de la majorité actuelle, ce qui vous habite, c’est le démon de la privatisation. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Pour vous, tout service public a vocation à être, tôt ou tard, privatisé – et je pense notamment à La Poste.

Il y a une grande indécence à se prétendre le défenseur du service public dans sa circonscription et à refuser, à l’Assemblée nationale, tous les dispositifs susceptibles de le protéger. Il est même particulièrement indécent de tenir, comme le Président de la République, à Toulon ou ailleurs, des discours aux accents colbertistes, tout en faisant, à la première occasion, des choix qui empruntent bien moins à Colbert qu’à Mme Thatcher, que ce soit pour La Poste, pour la SNCF ou pour les grands services publics stratégiques de notre pays.

M. le président. La parole est à M. Henri Jibrayel, pour soutenir l’amendement n° 3527 rectifié.

M. Henri Jibrayel. Samedi après-midi, lorsque je suis rentré dans ma circonscription, mes administrés m’ont demandé pourquoi nous siégions le vendredi soir et le samedi : le Gouvernement aurait-il entendu leurs doléances en matière de pouvoir d’achat, de sécurité, d’hôpitaux, d’écoles ? Quelle ne fut pas leur déception lorsque je leur dis qu’il n’en était rien, que ce gouvernement et cette majorité n’entendent pas et n’entendront jamais le cri du peuple qui souffre ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) La France va mal et le peuple voudrait que nous discutions de leur pouvoir d’achat, de leur sécurité, de l’hôpital et de l’école, plutôt que du musellement de l’opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

« Qu’allez-vous dire au Gouvernement ? », m’ont-ils demandé. Que l’opposition reste debout, leur ai-je répondu, qu’elle combattra fermement cette loi organique et veillera à les défendre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Merci, monsieur Jibrayel.

M. Henri Jibrayel. Je n’ai pas fini, monsieur le président !

M. Bruno Le Roux. Il ne fait que commencer !

M. Henri Jibrayel. J’en viens aux évaluations renforcées que nous proposons. Comment peut-on imaginer que l’on puisse privatiser La Poste, alors que des maires et des usagers s’inquiètent des inégalités tarifaires et de la fermeture de bureaux de poste dans les quartiers populaires et les zones les plus enclavées du territoire ? Pour éviter ce type de mesures, il est indispensable que tout projet de privatisation, notamment de La Poste, fasse l’objet d’expertises renforcées auxquelles doivent être associées les organisations syndicales, les associations de consommateurs, les usagers et les élus. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Lou Marcel, pour soutenir l’amendement n° 3530 rectifié.

Mme Marie-Lou Marcel. Cet amendement n° 3530 vise à imposer une obligation d’évaluation renforcée pour tout projet de loi relatif à la privatisation d’entreprises publiques. Il faut absolument éviter, dès lors que l’on examine un projet de ce type, d’agir dans la précipitation, et laisser au contraire le temps aux citoyens et aux élus de s’en saisir. On peut mesurer chaque jour, en effet, les ravages provoqués par des décisions prises à la hâte.

Dans le contexte de crise financière que nous connaissons, on aurait pu penser que le projet de privatisation de La Poste serait abandonné. Il suscite, dans nos territoires ruraux, une forte mobilisation de très nombreux élus, notamment des maires de nos communes, mais également d’usagers. Dans la circonscription de l’Aveyron dont je suis l’élue, la colère gronde face à des réorganisations qui se font dans la plus grande opacité, sans aucune concertation. C’est pourquoi, monsieur le président, je défends cet amendement visant à imposer, pour tout projet de privatisation, une phase d’enquête publique et de consultation, ainsi que des études d’impact, autant d’étapes qui permettraient au Gouvernement de s’informer sur les besoins réels et les attentes des destinataires de ces projets.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Vendredi dernier, nous avons débattu longuement d’un amendement, issu des travaux de la commission, et relatif aux études d’impact. Après avoir examiné de façon approfondie les différentes options qui s’offraient à nous, nous avions choisi d’introduire l’obligation d’une étude d’impact précise et détaillée, imposant à tous les projets de loi de répondre à une série d’exigences. Nous aurions pu procéder autrement, en proposant que les textes soient triés en fonction de leur importance. Nous avons écarté cette logique, car le choix d’études renforcées pour certains textes impliquerait l’existence d’études minorées pour d’autres.

Après cette décision prise en commission, le groupe SRC a présenté samedi matin un amendement n° 3354 visant à imposer, pour une dizaine de sujets, des études d’impact renforcées. Les débats ont montré à quel point cette solution était mauvaise : certains de nos collègues socialistes ont plaidé en faveur d’études renforcées pour le médicament ou pour l’urbanisme commercial, deux thèmes qui ne figuraient même pas dans l’amendement concerné, ce qui montre que l’établissement d’une liste comporte des risques, en particulier celui d’oublier de faire figurer certaines choses dans l’énumération à laquelle on procède.

Au demeurant, ce n’est pas seulement l’amendement n° 3354, mais vingt-deux amendements identiques, qui proposent de procéder dans certains cas à des études d’impact renforcées (« Et alors ? » sur les bancs du groupe SRC.) Ces amendements ont été rejetés samedi, mais qu’à cela ne tienne : le groupe SRC revient à la charge avec à nouveau vingt-deux amendements identiques à la virgule près et n’ayant pas d’autre objet que de découper en tranches de saucisson l’amendement n° 3354, qui énumérait une série de thèmes, tels l’éducation nationale, les services publics, la sécurité ou l’organisation de la justice, censés nécessiter la mise en œuvre d’une évaluation renforcée ! (« Et alors ? » sur les bancs du groupe SRC.) Chaque député vient, tour à tour, défendre un thème faisant l’objet de l’un des vingt-deux amendements déposés. Ainsi, nous avons eu droit tout à l’heure à un superbe développement visant à nous convaincre que le mot « ampleur » ne signifie rien. Mais la commission n’a justement pas retenu ce mot dans l’amendement qu’elle a proposé au terme d’un travail constructif, et sur lequel vous vous êtes abstenus !

M. Jean Mallot. Nous ne sommes plus en commission, mais en séance publique !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Nous nous trouvons face à une obstruction caractérisée, visant à bloquer l’Assemblée au moyen de séries d’amendements portant sur des sujets déjà traités.

M. Richard Mallié. Très bien !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La commission est donc évidemment contre tous ces amendements, mais, au-delà de cet avis défavorable, je veux dire à quel point je suis triste pour l’image qu’un tel comportement peut donner de notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Défavorable.

M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je ne réagirai pas aux propos de notre rapporteur et me contenterai de remarquer que, s’il se dit triste, il me paraît en réalité plutôt irritable, ce qui n’est bon ni pour la sérénité des débats, ni pour sa santé ! (Sourires.)

Monsieur le président, avec tout le respect que j’ai pour votre personne et votre fonction, je voudrais faire un rappel au règlement basé sur l’article 58, alinéa 2 de notre règlement. Lorsque notre collègue Christian Paul est intervenu tout à l’heure, vous lui avez fait une remarque qui, en dépit de votre volonté de vous montrer équitable et objectif, nous a fait penser que vous aviez cédé à la pression de la majorité. En effet, vous avez fait comprendre à notre collègue, qui évoquait les grandes manifestations qui vont avoir lieu le 29 janvier, que son propos était hors sujet. Or, puisque nous parlions d’évaluation, comment mieux évaluer l’état d’esprit de notre peuple – surtout lorsque l’on est de droite et que l’on n’entretient pas une relation quotidienne avec les gens qui souffrent (Protestations sur les bancs du groupe UMP) – qu’en prenant part à une manifestation, afin de mesurer le rapport de forces et la détermination des gens qui manifestent ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cela n’a rien à voir avec un rappel au règlement !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, puisque nous nous connaissons bien, permettez-moi de vous dire franchement – mon intervention étant naturellement à prendre comme un simple commentaire, et non comme une critique de la fonction présidentielle – que j’ai été étonné par vos propos. Il me semble que votre volonté d’objectivité a quelque peu souffert de la forte pression exercée par l’UMP, ce qui vous a conduit à vous montrer injuste envers notre collègue Christian Paul, d’autant plus, monsieur le président…

M. Jean-François Copé. Critiquer la présidence, c’est inacceptable !

M. le président. Monsieur Brard, nous nous connaissons suffisamment pour que vous sachiez que je suis peu sensible aux pressions que l’on entendrait exercer sur moi,…

M. Jean-François Copé. C’est de l’intimidation, une vieille technique communiste qui ne fonctionne plus !

M. le président. …de quelque côté de l’hémicycle qu’elles proviennent.

Je souhaite que le débat se déroule dans la sérénité, de façon à ce que chacun puisse exposer ses arguments et que ceux-ci puissent être compris le mieux possible. Sans aucune pression, je veux vous dire, monsieur Brard, que votre intervention n’a rien à voir avec un rappel au règlement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Après l’article 7 (suite)

M. le président. Je suis saisi de six sous-amendements, nos 4514 à 4519, à l’amendement no 3513 rectifié, et d’un sous-amendement, n° 4560, à l’amendement n° 3530 rectifié.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. En application de l’article 44, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement s’oppose à l’examen de ces sous-amendements, qui n’ont pas été soumis à la commission, et qui n’ont manifestement pas d’autre objet que l’obstruction.

M. le président. Monsieur le rapporteur, ces sous-amendements ont-ils été soumis à la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Non, monsieur le président.

M. le président. Les sous-amendements nos 4514 à 4519 et 4560 n’ayant pas été soumis à la commission, la présidence, conformément à l’article 100, alinéa 3, du règlement, constate qu’il n’y a pas lieu d’en délibérer.

M. Jean-Jacques Urvoas. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Au nom de mon groupe, je veux à nouveau protester contre l’usage abusif dont fait preuve le Gouvernement en invoquant l’article 44, alinéa 2.

M. Christian Paul. Scandaleux !

M. Guy Geoffroy. Il existe pourtant bien !

M. Jean-Jacques Urvoas. Nous avons passé notre dimanche à procéder à des consultations sur cette question (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Pierre Lellouche. Vous n’étiez pas contre le travail le dimanche ?

M. Jean-Jacques Urvoas. …et nous déposerons un mémoire auprès du Conseil constitutionnel, dont la jurisprudence sur cette question est constante. Il ressort en effet de la décision du 7 novembre 1990, neuvième paragraphe, de la décision du 13 octobre 2005, paragraphes 3 et 4, et de la décision du 22 juin 2006, que, dès lors que l’article 99 de notre règlement ne fait aucune référence à la notion de sous-amendement, l’alinéa 2 de l’article 44 ne peut s’appliquer aux sous-amendements (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), du moins à l’Assemblée nationale – nos collègues du Sénat ayant, quant à eux, procédé à une modification de leur règlement qui aligne le régime des sous-amendements sur celui des amendements. Par conséquent, nous contestons formellement l’abus de droit auquel se livre le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marc Ayrault. Je souscris à ce que vient de dire Jean-Jacques Urvoas et je souhaite simplement ajouter que l’article 99 de notre règlement, qui définit les délais de dépôt des amendements, dispose en ses alinéas 5 et suivants que les délais prévus audit article ne sont pas applicables aux sous-amendements, aux amendements présentés par le Gouvernement ou par la commission, ou aux amendements susceptibles d’être mis en discussion commune avec des articles additionnels présentés par le Gouvernement ou par la commission. Les sous-amendements ne peuvent donc pas être assimilés à des amendements, et invoquer, comme le fait le Gouvernement, l’article 100 du règlement en référence à l’article 44, alinéa 2, est une incongruité constitutionnelle que nous ne manquerons pas de soumettre au Conseil constitutionnel. Par conséquent, vous devriez bien réfléchir aux sous-amendements et au sort que vous voulez leur réserver.

Monsieur le président, afin de délibérer sur cette question avec mon groupe, je vous demande une suspension de séance d’une demi-heure.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour un rappel au règlement.

Mme Martine Billard. Effectivement, on n’a pas le droit d’interdire à tout moment ce qui n’est pas explicitement interdit par la loi. Vous vous plaignez des conditions d’examen de ce texte, monsieur le secrétaire d’État, mais si vous vouliez interdire l’examen des sous-amendements en séance, pourquoi n’avez-vous pas ajouté cette règle dans la loi organique, où vous avez déjà mis tant d’autres dispositions ? Sans doute n’avez-vous pas suffisamment réfléchi aux droits dont disposait le Parlement, parmi lesquels celui de déposer des sous-amendements en séance et de les défendre.

Une remarque également sur la tenue de nos débats depuis une semaine. La présidence et les présidents de groupe se plaignent souvent que les bancs sont vides. Lors de nos séances de travail avec le président de l’Assemblée nationale, une de nos discussions a porté sur les moyens de ne plus donner à nos concitoyens la vision d’un hémicycle vide. Mais depuis une semaine, l’hémicycle est relativement plein, et ce soir encore davantage, bien plus qu’il ne l’est d’ordinaire un lundi soir. De même ce samedi…

M. Jean-François Copé. Et encore, vous n’étiez pas là samedi !

Mme Martine Billard. Cela prouve bien que nous avons sur ce texte un débat passionnant, et qu’il nous faut poursuivre nos échanges pour que l’opposition parvienne à convaincre l’UMP, le Nouveau Centre et le Gouvernement que l’article 13 est un très mauvais article et qu’il est possible de fonctionner et d’organiser le fonctionnement du Parlement en en discutant au sein de l’Assemblée, au lieu d’être aux ordres d’un Président de la République qui ne supporte pas qu’il y ait une opposition dans ce pays ni l’éventualité de dissidences dans ses propres rangs.

Le groupe GDR considère donc qu’il n’est pas admissible de chercher à empêcher par tous les moyens un débat qui réunit depuis dix jours nombre de nos collègues dans cet hémicycle.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Copé, pour un rappel au règlement.

M. Jean Mallot. Voilà que maintenant la droite fait des rappels au règlement !

M. Régis Juanico. Quel scandale !

M. Jean-François Copé. Constatant qu’à cette heure de la soirée nous étions rentrés dans un tunnel de rappels au règlement, l’envie m’a pris de participer à la fête et de faire usage de cette procédure pour réagir aux propos de Mme Billard et de M. Ayrault.

Madame Billard, si nous sommes présents dans l’hémicycle, c’est tout simplement parce que nous avons le sentiment que ce combat est le bon. Enfin nous allons en finir avec le spectacle lamentable de cette obstruction auquel on assiste depuis des années, et particulièrement depuis que vous êtes dans l’opposition ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Il fallait en sortir, et par le haut. Je souhaite qu’à l’avenir notre présence ici soit motivée non par la nécessité de se mobiliser pour entraver ces centaines d’amendements tous plus grotesques les uns que les autres…

M. Christian Paul. Délit d’entrave !

M. Jean-François Copé. …mais pour participer à des débats de fond, menés par de grands orateurs capables de rendre à notre Parlement toute sa grandeur – Dieu sait si, dans ce domaine, nous avons des progrès à faire…

M. Jean Mallot. Laissez Dieu tranquille !

M. Jean-Pierre Brard. Parlez pour vous, monsieur Copé !

M. Jean-François Copé. …en particulier du côté gauche de l’hémicycle !

Monsieur Ayrault, vous vous acharnez à vouloir démontrer que la procédure retenue par la présidence de l’Assemblée concernant les sous-amendements n’est pas conforme à notre règlement. Mais j’appelle votre attention, je l’ai déjà dit plusieurs fois, sur le fait que cela s’est pratiqué par votre propre majorité à plusieurs reprises ces dernières années.

M. Claude Goasguen. Dix-sept fois !

M. Louis Giscard d'Estaing et M. Pierre Lellouche. Exactement !

M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !

M. Jean-François Copé. Ne prenez donc pas un air ahuri chaque fois que je répète ! Cette pratique a fait jurisprudence ; il est donc normal qu’elle s’applique sous la droite comme elle s’est appliquée sous la gauche. Il faudrait songer à atterrir !

Enfin, monsieur Ayrault, je tiens à vous rappeler ainsi qu’à toutes celles et ceux qui se croient obligés dans votre groupe de rappeler systématiquement qu’ils vont saisir le Conseil constitutionnel, qu’ils feraient bien, puisqu’ils adorent la procédure, de regarder les textes de la Constitution, ce qui leur permettrait de se souvenir qu’ils n’ont pas besoin de saisir le Conseil constitutionnel…

M. Louis Giscard d'Estaing. La saisine est automatique pour une loi organique !

M. Jean-François Copé. …puisqu’il le sera de toute façon. Détendez-vous donc, la saisine est de droit, et pour le même pris, autant être précis ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Henri Jibrayel. Nous n’avons pas besoin de vos lumières !

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet, pour un rappel au règlement.

M. François Sauvadet. Monsieur le président, je tiens d’abord à saluer la présidence. (Applaudissements et approbations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Manuel Valls. Nous devrions le nommer à la commission des conflits…

M. François Sauvadet. Dans un débat démocratique, il y a des règles, vous les avez rappelées, et les règles sont les mêmes pour l’opposition et la majorité, surtout quand il s’agit d’un débat légitime, mais qui doit se dérouler dans la clarté, notamment en ce qui concerne les intentions de l’opposition.

Depuis que nous avons commencé à examiner cette loi organique, j’ai discuté avec M. Ayrault comme avec chacun des présidents de groupe, car le sujet le mérite.

M. Christian Paul. Mais rarement dans l’hémicycle !

M. François Sauvadet. Il m’appartient aussi d’exprimer la voix du Nouveau Centre : elle est légitime dans cet hémicycle, comme celle de tous ceux qui sont ici. J’en ai assez des mises en cause systématiques de la présidence, et M. Accoyer, parce qu’il est le président notre assemblée, a tout notre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

M. Manuel Valls. Sauf si c’est Laffineur ! Laffineur, sur le pré !

M. François Sauvadet. Nos règles de fonctionnement doivent être respectées par tous, sans quoi le débat dérapera, ce que je ne souhaite pas pour la qualité de nos travaux.

Chers collègues de l’opposition, vous ne cessez de répéter que la majorité, l’UMP, le Nouveau Centre et le Gouvernement…

M. Jean Mallot. C’est la même chose !

M. Bruno Le Roux. Le Nouveau Centre, c’est la vieille droite !

M. François Sauvadet. …voudraient entraver votre droit d’expression. Pour moi, le droit d’amendement est qu’il est un droit fondamental dans un hémicycle comme le nôtre, mais, dans ma conception, il doit être indissociable de l’esprit de responsabilité.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. François Sauvadet. Le spectacle que vous donnez aujourd’hui, mes chers collègues, en défendant de manière répétitive des amendements sur des sujets qui n’ont rien à voir avec le fond du débat, ne sert pas le débat démocratique sur une loi organique, qui vise précisément à fixer des règles du jeu destinées à renforcer le rôle du Parlement, au moment où celui-ci s’est vu conférer des droits supplémentaires par la révision constitutionnelle. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Très juste !

M. Marcel Rogemont. Dans ce cas, cessons de voter les lois en urgence !

M. Bruno Le Roux. Règle numéro un : un amendement ne doit pas déplaire au Gouvernement !

M. François Sauvadet. Votre attitude, je vous le dis, me met mal à l’aise. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Pourtant, j’ai envie d’entendre vos propositions sur notre fonctionnement futur et de chercher avec vous des voies de convergence. Nous aurons sur l’article 13 un débat avec le Gouvernement, comme nous l’avons eu au sein de la majorité. Je souhaite qu’alors vous renonciez à défendre ces amendements qui ne servent à rien sinon à entraver le débat et à porter atteinte à l’idée que je me fais de la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un rappel au règlement.

M. Philippe Vigier. On a le droit de répondre à un rappel au règlement, maintenant ?

M. Jean-Pierre Brard. De quoi je me mêle ?

M. Jean-Marc Ayrault. Vous n’êtes pas obligé, monsieur Copé de vous adresser systématiquement à nous avec arrogance en nous traitant d’ignares. Nous savons parfaitement que la loi organique sera examinée par le Conseil constitutionnel, mais il ne nous est pas interdit de lui transmettre un argumentaire ou un mémoire si cela nous paraît juste. Laissez-nous encore ce droit !

M. Régis Juanico. Nous sommes impatients de revoir M. Bertrand !

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur Sauvadet, j’ai écouté vos propos avec intérêt, mais je ne suis pas rassuré. Nous avons été très clairs dès le début.

M. Michel Herbillon. Çà, on ne peut plus clairs !

M. Jean-Marc Ayrault. Depuis des semaines, nous avons mis en garde la majorité et le Gouvernement, en les prévenant de ne pas toucher au droit d’amendement dans la loi organique qu’ils allaient présenter à l’Assemblée nationale et au Parlement. Nous avons déclaré clairement que nous étions opposés à l’article 13, et nous persistons à dire qu’il représente un danger pour la liberté de nos débats. Cet article 13 est au cœur du débat.

M. Claude Goasguen. Chantage !

M. Jean-Marc Ayrault. Non, ce n’est pas du chantage, c’est une exigence que nous exprimons à travers nos amendements, pour obtenir enfin une réponse, et non une fin de non-recevoir.

Le président de l’Assemblée nationale, M. Accoyer, a déclaré sur plusieurs antennes qu’il était prêt à débattre avec nous des conditions d’examen des projets de loi et du temps qui leur serait imparti. Nous sommes prêt à en discuter avec lui, mais durant le même week-end, nous avons entendu le président du groupe UMP dire que c’était terminé : « Circulez, y a rien à voir ! » Ce n’est pas l’esprit de votre intervention, monsieur Sauvadet.

Il y a donc problème, et un grave problème. C’est pourquoi nous allons poursuivre notre bataille. M. Copé veut fermer la porte alors que nous voulons l’ouvrir, et nous ferons tout ce qu’il faut pour. Voilà la vérité et voilà pourquoi j’ai demandé une suspension de séance afin de réunir mon groupe.

M. Jean-François Copé. Si M. Ayrault a droit à deux rappels, je veux répondre…

M. le président. Monsieur Copé, c’est moi qui préside et qui donne la parole !

Je vais donner la parole à M. le président du groupe UMP, qui souhaite répondre à M. Ayrault, après quoi nous suspendrons la séance.

La parole est à M. Jean-François Copé.

M. Jean-François Copé. Je vous l’avoue, monsieur Ayrault : si j’ai réagi comme je l’ai fait ce week-end, moi qui suis plutôt du genre déterminé, c’est plutôt de guerre lasse. L’article 13 pose le principe du temps global, c'est-à-dire une idée moderne…

M. Jean-Pierre Brard. Liberticide !

M. Jean-François Copé. …pratiquée par très nombreux Parlement, y compris le Parlement européen, pour que chaque groupe politique puisse s’exprimer dans le respect de la démocratie. Nous voulons à notre tour donner aux Français l’image d’un parlement qui travaille, qui propose, qui critique, mais qui entre résolument dans la modernité…

M. Marcel Rogemont. La répartition des pouvoirs n’a rien à voir avec le Parlement européen !

M. Jean-François Copé. …ce qui n’a rien à voir avec des milliers d’amendements et de sous-amendements plus ineptes les uns que les autres et qui ne servent qu’à bloquer le débat !

M. Jean-Pierre Brard. Si au moins c’était vrai !

M. Jean Mallot. Merci pour la justice, merci pour l’éducation nationale !

M. Jean-François Copé. Monsieur Ayrault, je vous rappelle par ailleurs que l’article 13 reprend pour certains de ses points les préconisations du président du groupe socialiste au Sénat, Jean-Pierre Bel, qui évoquait un « temps-guillotine » ; ce fut également l’une des recommandations faites par vos collègues socialistes du Sénat à Mme Royal lors de la campagne présidentielle. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Finissons-en avec cette hypocrisie, ce théâtre d’ombres permanent !

Souvenez-vous enfin, monsieur Ayrault, de la façon dont vous avez réagi lorsque vous étiez dans la majorité et que Mme Boutin s’était exprimée cinq heures d’affilée lors du débat sur le PACS. Vous aviez dénoncé ce que vous appeliez de l’obstruction et demandé à ce que le règlement soit modifié. À la demande de la majorité de l’époque, le règlement de l’Assemblée nationale a donc été modifié. Vous n’aviez pas parlé alors d’atteinte à la liberté et vous aviez bien fait, comme nous avions bien fait de voter avec vous cette modification du règlement, qui contribuait à la modernisation de notre assemblée. Ce que nous proposons aujourd’hui s’inscrit dans le même esprit.

M. Marcel Rogemont. Non ! Il faut l’unanimité sur des modifications comme celle-là !

M. Jean-François Copé. Et j’ose imaginer qu’une fois cet épisode grotesque terminé, nous nous retrouverons pour nous dire, le temps ayant passé, que nous aurons fait œuvre salutaire pour réhabiliter l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Je vous ai déjà répondu sur cette question, monsieur Copé ; nous avons même eu un débat ensemble là-dessus. Mais ne mélangeons pas la question du temps de parole des députés et les motions de procédures. J’assume les positions que j’ai prises à l’époque où Mme Boutin a parlé plus de cinq heures la Bible à la main à la tribune. Cela avait d’ailleurs choqué beaucoup de monde. Mais vous montez un clip en extrayant de mon intervention le fait que les motions étaient alors les seules interventions dont le temps de parole n’était pas limité, à la différence des interventions en discussion générale, sur les articles ou les amendements. Nous avons donc décidé ensemble, en modifiant à l’unanimité notre règlement, que le temps sur les motions de procédures serait limité à une heure trente, puis à une demi-heure par le président Debré.

Mais ici, c’esst du droit d’amendement qu’il s’agit, et l’instauration d’un temps global risque de le remettre en cause. C’est de cela que nous discutons : cessez de caricaturer nos positions.

M. Michel Herbillon. Vous vous caricaturez vous-même !

M. Jean-Marc Ayrault. Qui dit la vérité au groupe UMP ? Est-ce M. Accoyer ou M. Ayrault ? Si l’on veut avancer, il faut que la question soit clarifiée !

M. Claude Goasguen. Et le PS dirait la vérité ? Allons, vous ne convainquez personne !

M. Jean-Marc Ayrault. Dans les médias ou lorsque – comme il y a quelques instants encore, avant l’ouverture de cette séance – M. Accoyer demande à me voir, il dit être prêt à faire des propositions d’ouverture sur le droit d’amendement ou sur la durée d’examen des projets de loi, dans le cadre de la réforme du règlement.

M. Jean-François Copé. Nous ne cessons de faire des concessions !

M. Jean-Marc Ayrault. Qui doit-on croire ? M. le président de l’Assemblée nationale ou le président du groupe UMP ?

M. Jean-Claude Lenoir. Le président Bel ou le président Ayrault ?

M. Jean-Marc Ayrault. Parce que nous défendons sans relâche la possibilité, sur des grands textes, sur des textes essentiels, que l’examen d’un texte dure autant qu’il nous paraît nécessaire…

M. Jean-Claude Lenoir. Pensez à M. Bel !

M. Jean-Marc Ayrault. …le président du groupe UMP ne cesse de nous traiter de ringards !

Mme Marie-Louise Fort. Eh oui, vous êtes ringards !

M. Jean-Marc Ayrault. Est-ce vous, monsieur Copé, qui dites la vérité, ou est-ce le président Accoyer ? Tant que nous n’aurons pas de réponse à cette question, je suis désolé, monsieur Sauvadet, mais nous serons obligés de continuer la bataille.

Vous pouvez nous comprendre, car vous avez mis le doigt sur le problème posé par l’article 13 ! Et le Gouvernement, qui a pris la responsabilité de proposer cet article, ferait bien d’écouter ce que nous lui disons. Mais il reste silencieux. C’est le point essentiel sur lequel je constate une fois encore, ce soir, que M. Copé, avec brutalité, arrogance, mépris…

M. Marcel Rogemont. Violence !

M. Jean-Marc Ayrault. …décide de fermer la porte ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Mallot. Pour y voir clair, il va falloir attendre le retour de Xavier Bertrand !

M. le président. La parole est à M. Jean-François Copé.

M. Jean-François Copé. Puisque vous m’interpellez, je vais répondre – je laisse de côté les injures : j’ai eu l’impression que vous vous faisiez plaisir en me les adressant, je vous les abandonne ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Oui, c’est bien de cela qu’il s’agit !

Monsieur Ayrault, la majorité a déjà fait un certain nombre de concessions…

M. Marcel Rogemont. Le problème, ce n’est pas de faire des concessions : sur ces sujets, il faut l’unanimité !

M. Jean-François Copé. …que vous avez systématiquement balayées d’un revers de main. Je n’en donne qu’un seul exemple – que vous avez à peine noté : nous avons pris l’engagement d’accepter le principe d’un nombre identique de questions d’actualité pour la majorité et l’opposition pendant les séances de questions.

M. Marcel Rogemont. Vous avez pourtant écarté nos amendements sur ce point !

M. Jean-François Copé. Vous avez considéré que même cela ne valait pas grand’chose au regard de tout ce que vous réclamiez : la disparition de l’article 13. Pourtant, de nombreux parlements usent de dispositifs similaires. Le principal objet de cet article, ce n’est pas de remettre en cause le droit d’amendement, mais de faire en sorte, pour que la discussion soit organisée, que ce droit s’exerce dans le cadre d’un temps global, qui peut être, vous le savez bien, généreusement compté.

M. Jean Mallot. La générosité de M. Copé est bien connue !

M. Claude Goasguen. Obstruction !

M. Jean-François Copé. Je le répète : les Français attendent autre chose que ces discussions sans fin qui ne ressemblent plus à rien. Nous devons adopter des textes sur le logement, sur l’hôpital, sur la justice – les sujets importants ne manquent pas… Il est grand temps de se reconcentrer sur les problèmes des Français : monsieur Ayrault, s’il vous plaît, laissez-nous travailler pour la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Avant la suspension de séance, et pour nourrir la réflexion de tous nos collègues, je voudrais lire l’article 142 du règlement intérieur du parlement européen.

« La Conférence des présidents peut proposer, en vue du déroulement d’une discussion, la répartition du temps de parole. Le Parlement statue sans débat sur cette proposition.

« Le temps de parole est réparti selon les critères suivants : (a) une première fraction du temps de parole est répartie à égalité entre tous les groupes politiques ; (b) une deuxième fraction est répartie entre les groupes politiques au prorata du nombre total de leurs membres ; (c) il est attribué globalement aux non-inscrits un temps de parole calculé d’après les fractions accordées à chaque groupe politique conformément aux points a) et b) ci-dessus. »

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Et alors ?

Mme Delphine Batho. « Si une répartition globale du temps de parole est fixée pour plusieurs points à l’ordre du jour, les groupes politiques communiquent au président la fraction de leur temps de parole qu’ils entendent consacrer à chacun de ces points. Le Président veille au respect des temps de parole ainsi accordés. » (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Lefrand. Toujours l’obstruction !

Mme Delphine Batho. « Le temps de parole est limité à une minute pour les interventions portant sur le procès-verbal, les motions de procédure, les interventions sur les modifications au projet d’ordre du jour définitif ou à l’ordre du jour. […]

M. Jean-Claude Lenoir. Bravo !

Mme Delphine Batho. « Les députés qui n’ont pas pris la parole au cours d’un débat peuvent, au plus une fois par période de session, remettre une déclaration écrite, d’une longueur n’excédant pas deux cents mots, qui sera annexée au compte rendu in extenso du débat. » (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Régis Juanico. Ce n’est pas une déclaration écrite, c’est un SMS !

Mme Delphine Batho. Je ne pense pas que ce soit là un modèle pour le Parlement de la République française !

M. Jean-Christophe Lagarde. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. Que personne ne se plaigne que le débat dure ; chacun y participe largement !

La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le président, pour avoir été vous-même un député attentif à nos débats la semaine dernière, vous observerez que le Nouveau Centre n’a pas particulièrement fait durer les débats !

M. Jean-Pierre Brard. Vous n’avez rien dit du tout !

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur Brard, vous fûtes là si peu souvent la semaine dernière que vous ne pouvez pas donner de leçons – d’autant que vous êtes moins occupé désormais !

Parmi les présents ce soir, vingt à vingt-cinq d’entre nous ont suivi la quasi-totalité des débats sur ce texte. Depuis le début, c’est un jeu de rôles – disons le comme cela pour ne vexer personne : d’un côté, on explique qu’il n’y a pas d’obstruction alors même que l’on parle de tout autre chose que du texte, de l’autre côté, on ne parle que d’obstruction.

Je viens d’entendre une chose sur laquelle nous pourrions peut-être réfléchir pendant la suspension de séance. M. Ayrault disait, il y a une semaine, que les amendements déposés portaient tous sur le fond – il était notamment question, rappelons-le, du rétablissement du Consulat et de l’établissement du bonheur universel… Vous dites ce soir beaucoup plus honnêtement, et cela me paraît bien préférable, que vous menez ce combat pour que chacun s’installe à la table des discussions.

J’ai pu mal comprendre, mais il me semble vous avoir entendu dire que vous vouliez discuter du temps nécessaire. Vous ne rejetez donc pas l’organisation des travaux qui permettraient de fixer un terme à la discussion ; vous acceptez l’idée d’un temps fixé ensemble. Comme le disait le président Sauvadet tout à l’heure, c’est aussi ce qui nous paraît nécessaire.

Plutôt que de poursuivre ces jeux puérils qui durent depuis une semaine et vont manifestement durer encore, je vous suggère de nous réunir autour d’une table, peut-être pendant une suspension de séance, et de discuter du temps nécessaire, plutôt que de faire perdre du temps à tout le monde – ceux qui font de l’obstruction comme les autres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

M. le président. M.Ayrault avait demandé une suspension de séance ; la suspension est de droit.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures quarante, est reprise à vingt-trois heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

Après l’article 7 (suite)

M. le président. Nous en venons au vote des amendements identiques nos 3509 rectifié à 3530 rectifié.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Monsieur le président, le Gouvernement demande la réserve du vote des amendements identiques nos 3509 rectifié à 3530 rectifié, en application de l’article 96 du règlement. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Quel courage !

M. le président. La réserve du vote étant de droit,…

M. Jean Mallot. De droite !

M. le président. …nous en venons aux amendements identiques nos 3443 à 3464.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l’amendement n° 3443.

M. Jean-Jacques Urvoas. L’amendement n° 3443, cosigné par mon excellent collègue Manuel Valls, vise à ce que les projets de loi relatifs à l’audiovisuel public fassent l’objet d’une évaluation renforcée.

L’Assemblée nationale ne sera pas surprise par cette proposition…

M. Guy Lefrand. Venant de l’opposition, nous ne sommes plus surpris par grand-chose !

M. Jean-Jacques Urvoas. …dans laquelle elle trouvera une référence explicite au projet de loi sur l’audiovisuel public, voté dans des conditions discutées et discutables dans cet hémicycle il y a quelques semaines, selon la procédure d’urgence, pour employer des termes qui ne figurent plus dans la Constitution depuis sa révision.

Comme le groupe SRC le redoutait dès le mois de janvier 2008, l’audiovisuel sera bientôt étranglé financièrement et mené d’une main de fer, au détriment du pluralisme de l’information et de l’indépendance des rédactions. Nous avons suffisamment débattu du texte défendu par Mme Albanel pour qu’il me soit inutile d’énumérer les multiples éléments pernicieux qu’il contient. Chacun comprendra que s’il avait fait l’objet d’une concertation préalable associant les autorités administratives indépendantes – Cour des comptes, les syndicats, groupes politiques représentés dans les assemblées parlementaires, voire les associations reconnues d’utilité publique –, il n’aurait sans doute pas été aussi mauvais. La pratique montrera que les critiques formulées par mes collègues étaient justes, particulièrement sur le mode de désignation et de révocation, par simple décret, du président de France Télévisions, qui mettra en danger l’indépendance de l’audiovisuel public, dont tout le monde est en droit d’attendre une information pluraliste et de qualité.

Mais, monsieur le président, je m’en voudrais d’abuser de la patience de nos collègues de la majorité, déjà suffisamment mise à l’épreuve – mais si l’on veut durer, il faut être capable d’endurer : aussi vais-je m’en tenir là

Mme Delphine Batho. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Monsieur le président, mon rappel se fonde sur l’article 58, alinéa 1 de notre règlement.

Le Gouvernement fait un recours systématique à l’article 96 du règlement, lequel se rapporte à l’article 44, alinéa 3, de la Constitution, qui permet au Gouvernement de demander à notre assemblée de se prononcer par un seul vote sur l’ensemble d’un projet de loi. Dès lors, nous aimerions que M. le secrétaire d’État nous confirme que chaque amendement dont le vote est réservé sera bien soumis au vote de l’Assemblée et que le Gouvernement n’a pas l’intention de soumettre l’ensemble du projet de loi organique à un vote bloqué.

M. Christian Paul. Très bonne question qui vient à point nommé !

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour un rappel au règlement.

M. Arnaud Montebourg. Monsieur le président, comme vous avez pu le constater, cet hémicycle a été le théâtre d’échanges intéressants, …

M. Jean-Pierre Brard. Inégalement intéressants, il ne faut pas exagérer !

M. Arnaud Montebourg. …qu’il s’agisse des discussions relatives aux propositions du président Accoyer ou de l’interpellation de Jean-Marc Ayrault. Depuis dix jours, le langage que tiennent les orateurs du groupe SRC n’a pas varié : depuis des mois, nous demandons à la majorité quelles propositions elle entend faire à l’opposition pour que le règlement lui permette de disposer d’un temps de parole suffisant pour faire valoir son opinion dans cet hémicycle et se faire entendre au-delà.

Un groupe de travail a été constitué, dans lequel nous avions commencé à discuter de ces questions, M. le secrétaire d’État le sait bien. Mais nos travaux ont été brutalement interrompus par l’irruption aussi soudaine que désobligeante de l’avant-projet de loi organique dont nous avons obtenu, par un cheminement inconnu de la procédure législative, un exemplaire que nous nous sommes empressés de mettre sous le nez de nos collègues de la majorité présents, Jean-Luc Warsmann et Jean-François Copé notamment, qui eux-mêmes, manifestement, n’avaient pas eu connaissance de ce texte.

Le président Accoyer propose, selon la dépêche publiée hier par l’agence France-Presse, que « les présidents de groupe puissent dans certains cas demander une durée plus longue de débat ». Jean-François Copé s’y serait montré réticent, selon cette même dépêche.

M. Christian Paul. Pourtant c’était le début de la sagesse !

M. Arnaud Montebourg. Mais quelles sont donc vos propositions à vous, monsieur le secrétaire d’État ? Nous vous demandons depuis dix jours quelles sont vos propositions ; or celles-ci ne viennent pas de vous, mais du perchoir. Qui plus est, Jean-François Copé y serait réticent. Faut-il vous rappeler qu’il s’agit d’un projet de loi organique, autrement dit que c’est le Gouvernement qui est à l’origine de l’article 13 ? Que proposez-vous ?

Entre la proposition du président Accoyer, les réticences du président Copé et le silence du ministre Karoutchi, …

M. Manuel Valls. Cela fait beaucoup !

M. Arnaud Montebourg. …nous avons un peu de mal à nous situer !

Si la majorité voulait bien nous faire des propositions pour que nous puissions enfin en discuter, nous en serions heureux, d’autant que nous avons du temps devant nous : un millier d’amendements reste en discussion, sans compter les sous-amendements sur lesquels vous demanderez une réserve de vote, et les rappels au règlement. Quand accepterez-vous de prendre au sérieux une discussion qui n’aurait jamais dû s’interrompre au sein du groupe de travail auquel beaucoup d’entre nous ont participé ?

Monsieur le secrétaire d’État, je vous donne la parole, nous vous écouterons attentivement. Pour une fois, vous allez devoir parler pour dire quelque chose ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. C’est lamentable ! Les Français vous jugeront !

M. le président. Monsieur Montebourg, permettez-moi de vous faire observer que seul le président peut donner la parole à un orateur.

Après l’article 7 (suite)

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour soutenir l’amendement n° 3445.

M. Bruno Le Roux. Il faudra bien, en effet, qu’à un moment ou à un autre, le secrétaire d’État réponde à ces questions. Démonstration est faite que le Gouvernement en cherchant à limiter la discussion parlementaire et en refusant, comme à son habitude, le débat avec l’opposition aboutira à des lois nécessairement bâclées, qui ne rencontreront aucune réaction dans notre hémicycle. Pour mieux faire la loi, il serait nécessaire, je le répète, de suivre les amendements que nous déposons – je vais vous en donner un exemple concret.

Mon amendement n° 3445 vise à imposer une obligation d’évaluation renforcée à la charge du Gouvernement pour les projets de loi relatifs à l’audiovisuel public. Si cette disposition avait déjà existé, l’annonce du Président de la République, le 8 janvier 2008, sans concertation ministérielle, et qui ne visait qu’à répondre à un vœu exprimé par quelques groupes de médias comme TF1 ou M6, aurait-elle pu être possible ?

Si l’évaluation renforcée avait existé, M. Copé se serait sans doute dit que la suppression de la publicité entraînerait nécessairement un problème de ressources. Aurait-il déclaré que, lui vivant, il n’y aurait pas d’augmentation de la redevance audiovisuelle hors inflation ? Quant aux sénateurs, ils ont fait remarquer que, le Gouvernement ne voulant pas céder sur la publicité, il fallait bien augmenter le montant de la redevance. En adoptant une telle mesure à laquelle je ne suis pas favorable, la Haute assemblée a fait preuve de cohérence.

Si l’évaluation renforcée avait existé, il y aurait eu débat sur les procédures de nomination, peut-être même réflexion préalable à la révision constitutionnelle pour savoir si la vraie base qui permet d’assurer le pluralisme doit être un veto ou une majorité des trois cinquièmes.

Si l’évaluation renforcée avait existé, nous aurions pu tomber d’accord pour que les PDG de l’audiovisuel se voient accorder un véritable pouvoir sans être portés par une majorité UMP et ce processus aurait très certainement permis de dégager un consensus après débat dans cet hémicycle pour essayer d’asseoir la personnalité qui préside l’audiovisuel public, consensus qui dépasse les rangs partisans de la majorité.

Voil, monsieur le président, à quoi aurait pu servir cet amendement constructif, s’il avait été appliqué, que je viens de vous présenter et qui vise à faire avancer le débat et à permettre à M. le secrétaire d’État d’entrer enfin dans la discussion plutôt que de la limiter. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l’amendement n° 3446.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je voudrais continuer à faire référence aux débats que nous avons eus dans le cadre de l’examen du texte constitutionnel en rappelant que nous avions demandé alors que l’article 34-1 ne soit pas altéré par un renvoi à la loi organique.

Nous avions imaginé que le concept du droit d’amendement, tel qu’il est traditionnellement reconnu depuis plusieurs républiques, se suffisait à lui-même et qu’il fallait le maintenir tel quel et placer l’ensemble du travail parlementaire dans le cadre des règlements – dont je rappelle qu’ils sont, eux aussi, soumis au contrôle du Conseil constitutionnel.

Nous avions bien pointé la difficulté qu’il y aurait à avoir une loi organique tranchée des modalités d’exercice des droits d’amendements, alors qu’en réalité il appartenait sans nul doute au consensus parlementaire de construire, par le règlement, une technique plus fiable.

Il est dommage que certains refusent de comprendre que, sur la question du droit d’amendement, il ne fallait renvoyer à une loi organique et je regrette de ne pas avoir pu convaincre ceux qui, dans un premier temps, semblaient l’avoir été. Le mauvais jeu politique a finalement gagné, alors que nous aurions pu simplement protéger notre capacité à réglementer la faculté d’amender dans le cadre du consensus réglementaire.

J’en viens à mon amendement n° 3446. S’il est un débat sur lequel la procédure d’évaluation renforcée devait être appliquée, c’est bien sûr celui de l’audiovisuel. Le débat a montré, s’il en était besoin, que cette décision du Président de la République n’avait fait l’objet d’aucune appréciation préalable de la réalité comme des enjeux, tout comme il aura illustré notre propre incapacité à en mesurer les conséquences.

En définitive, les sénateurs ont quelque peu rudoyé le texte dans des conditions qui prouvent clairement qu’il fallait anticiper ce dispositif de réflexions et d’analyses que seuls des professionnels pouvaient nous donner.

Pour illustrer mes propos, je ferai référence à un texte de Jean-Noël Jeanneney qui a commenté la décision que le Sénat a prise concernant la révocation du président de France Télévisions : « La sagesse de la Haute assemblée vient de décider que les futurs présidents de l’audiovisuel public ne pourraient être révoqués qu’à une majorité qualifiée : il s’agit d’assurer leur pérennité et de nourrir leur sérénité. Souhaitons que cette décision survive à la navette – c’est un appel à une bonne CMP –, mais refusons de nous en contenter. Le système qui vient d’être décidé est bancal. Il aggravera le risque que le pouvoir exécutif élise des hommes ou des femmes particulièrement dociles parce qu’il saura qu’il ne pourra plus s’en débarrasser facilement. Mais, surtout, l’essentiel n’est pas traité. Une décision supplémentaire s’impose ».

En fait, M. Jeanneney considère que l’on n’a pas appréhendé l’exacte situation dans laquelle nous sommes. Du reste, le système restera bancal, puisque la nomination interviendra selon des procédures donnant à chacune des commissions de nos assemblées le droit de s’opposer à condition que l’on franchise la barre des trois cinquièmes, alors que la révocation pourra être avalisée par le même canal… Avouez qu’il est inacceptable de parvenir à une situation aussi bancale, pour reprendre l’expression de M. Jeanneney, après six semaines de débats. Il aurait fallu anticiper ce texte au lieu de s’accrocher à une décision politicienne – faire que ce texte s’applique dès le 5 janvier. On aurait pu faire en sorte que toute la réforme de l’audiovisuel se fasse dans des conditions réfléchies, connues, techniquement appréhendées par l’ensemble du Parlement.

M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho pour défendre l’amendement n° 3447.

Mme Delphine Batho. Avant de défendre l’amendement n° 3447, je rappellerai à M. le président de la commission que si nous nous sommes abstenus sur l’article 7, c’est parce qu’un sous-amendement de Laurent Fabius, qui visait à donner un véritable poids à ces études d’impact, a été refusé.

M. Jean Mallot. Absolument !

Mme Delphine Batho. Par ailleurs, si le Gouvernement et le rapporteur avaient accepté notre amendement énumérant l’ensemble des sujets sur lesquels nous proposions des études d’impact renforcées, nous n’en serions pas là et nous aurions probablement gagné du temps.

L’amendement n° 3447 illustre le fait que nous ne sommes pas ici dans un débat entre la gauche et la droite, mais entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif que l’examen du projet de loi relatif à l’audiovisuel public a montré jusqu’à la caricature.

A l’origine, la volonté du législateur était claire. Un amendement de notre collègue sénateur David Assouline avait introduit dans la Constitution que l’indépendance et le pluralisme des médias étaient du domaine de la loi. Il y avait eu tout un travail autour de la fameuse commission Copé. C’est après qu’ont été annoncés les desiderata du Président de la République concernant la nomination-révocation du président de France Télévisions.

Pour vous montrer à quel point ce débat a fait l’objet d’un mauvais travail parlementaire et d’un irrespect total du Parlement, je vous rappellerai que ce texte a été déposé le 22 octobre en conseil des ministres, que l’urgence a été déclaré, qu’il a été examiné en commission le 5 novembre, et que M. Copé ne proposait pas la nomination-révocation du président de France Télévisions. Nous sommes donc aujourd’hui dans une situation ubuesque, puisque le président du groupe UMP à l’Assemblée nationale trouve normal que les sénateurs UMP soient « furax » et se déclare fier de ne pas avoir voté la nomination-révocation du président de France Télévisions, cependant qu’un ancien Premier ministre, M. Raffarin, qui a des responsabilités au sein du bureau politique de l’UMP, n’a pas voté la loi !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cela n’a rien à voir !

Mme Delphine Batho. Si, monsieur le rapporteur : si nous demandons de disposer d’études d’impact renforcées sur l’audiovisuel, c’est précisément pour éviter de type de situation législative, pour obliger le Gouvernement à tout mettre sur la table. L’Assemblée nationale aurait aimé avoir connaissance du Livre blanc de TF1, à l’origine de ce projet de loi.

M. le président. Merci, madame Batho.

Mme Delphine Batho. Une dernière phrase, monsieur le président, pour m’éviter d’avoir à refaire un rappel au règlement… Quand le Gouvernement applique l’article 96 du règlement, cela veut dire qu’il fait usage de l’article 44-3 de la Constitution.

M. le président. Madame Batho, vous n’êtes plus dans le cadre de la défense de votre amendement !

Mme Delphine Batho. Juste une phrase, monsieur le président !

M. le président. La parole est à M. René Dosière, pour soutenir l’amendement n° 3448.

M. René Dosière. Plus personne ne nie aujourd’hui l’importance de l’audiovisuel dans la vie politique. Mais ce n’était pas le cas dans l’Antiquité grecque et je vais vous expliquer pourquoi.

Nous avons devant nous cette magnifique tapisserie des Gobelins qui évoque l’école d’Athènes autour de ses deux personnages principaux : Platon, le philosophe de la transcendance, dont le doigt est dressé vers le ciel, et Aristote, le philosophe de l’immanence, dont le doigt est tourné vers la terre. Tous deux ont été reconnus, à la Renaissance, comme les fondateurs de la philosophie occidentale. C’est la raison pour laquelle Raphaël a peint ce tableau entre 1508 et 1511.

Si j’évoque ce tableau qui préside à nos débats et qui inspire le président de séance avant d’entrer dans l’hémicycle, puisqu’une copie de ce tableau se trouve dans le cabinet du départ, c’est parce que cette période – le IVe siècle avant Jésus-Christ – est celle où la politique apparaît. Dans ses dialogues, Platon évoque notamment Protagoras dont l’enseignement consiste à rendre les hommes habiles à parler, ce qui constitue la nature même de l’activité politique qui repose alors sur la parole.

M. Jean-Christophe Lagarde. Et cela continue !

M. René Dosière. En combattant pied à pied et mot à mot, pour reprendre une expression de Jaurès, le projet gouvernemental, en soulignant les contradictions de la majorité, nous faisons preuve d’habileté oratoire, conformément à l’enseignement des grands philosophes grecs qui ont inventé la politique. Voilà pourquoi il convient de voter notre amendement n°3448.

M. Jean Mallot. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l’amendement n° 3449.

Mme Marietta Karamanli. Je salue l’excellente démonstration de René Dosière.

La réforme de l’audiovisuel public adoptée en première lecture a consacré la tentative de concentration sur une seule personne – le Président de la République – de l’ensemble des pouvoirs exécutif et législatif, alors que dans la plupart des pays européens, y compris ceux qui ont accédé le plus récemment à la démocratie, la tendance est de confier le pouvoir de nomination des présidents des sociétés de diffusion à des organes indépendants.

En France, le choix a été fait de confier la nomination des dirigeants de la future télévision publique à un organe purement politique et partisan après un simple avis du Parlement. Ce qui ne témoigne pas d’une culture politique favorable à l’indépendance.

Ajoutons que, dans la plupart des États, le financement du service public audiovisuel repose sur un modèle mixte – redevance payée par le contribuable, financements prélevés sur le budget de l’État et revenus commerciaux provenant de la publicité et des droits d’émission. Le financement des opérateurs du service public sur le seul budget de l’État est perçu comme le modèle le plus hasardeux lorsqu’il n’existe aucune culture de l’impartialité puisqu’il crée automatiquement une dépendance du diffuseur vis-à-vis du politique et des structures de l’État.

On est donc en droit de penser qu’une évaluation approfondie aurait empêché l’adoption d’un texte sur l’audiovisuel rétablissant la dépendance politique à l’égard de l’État. C’est la raison pour laquelle je vous demande d’adopter l’amendement n° 3449.

M. le président. La parole est à M. Jacques Valax, pour soutenir l’amendement n° 3450.

M. Jacques Valax. L’amendement n° 3450 est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir l’amendement n° 3451.

M. Alain Vidalies. La discussion montre bien que, depuis quelques jours, l’enjeu du débat est bien l’article 13 et l’instauration par le Gouvernement d’une procédure à même de limiter le temps consacré aux débats.

Toutefois, le problème pour le Gouvernement et la majorité est que le droit d’amendement est un droit individuel. L’objectif de votre démarche est donc d’encadrer, en jouant sur un temps de parole accordé à des groupes, l’exercice d’un droit individuel : c’est exactement la question qui s’est posée lorsque nous avons débattu du texte visant à instituer le service minimum.

Le droit de grève est un droit individuel et consacré comme tel par la Constitution. Pour l’encadrer, des pouvoirs singuliers ont été reconnus aux organisations syndicales. Lorsque j’avais défendu l’exception d’irrecevabilité, j’avais naturellement appelé votre attention sur cette contradiction que le Conseil constitutionnel n’allait pas manquer de relever lorsque nous lui soumettrions le texte. En effet, l’organisation collective de la décision de faire grève, à laquelle vous soumettiez les salariés se heurtait au fait que le droit de grève est un droit individuel.

Vous avez écarté nos arguments et ignoré nos critiques. Or, le Conseil constitutionnel, s’il a rejeté notre recours, a toutefois, pour sortir de cette difficulté, donné une interprétation à l’origine des problèmes que vous rencontrez aujourd'hui dans la mise en application de cette loi. C’est pourquoi, même si vous voulez faire adopter une nouvelle loi en la matière, la décision du Conseil constitutionnel n’en aura pas moins cadenassé d’avance les dispositifs : l’organisation d’un service minimum ni l’obligation faite aux salariés de se déclarer ou non grévistes quarante-huit heures à l’avance n’ont pas été jugées inconstitutionnelles, certes, mais, comme il s’agit d’un droit individuel, jamais on ne pourra interdire à un salarié à titre personnel de rejoindre un mouvement, même s’il ne s’était pas déclaré au départ ou, au contraire, de s’en retirer, même s’il s’y était engagé. Ainsi, parce que vous n’aviez pas saisi la contradiction majeure de votre texte, votre loi a été ramenée par le Conseil constitutionnel à de plus justes proportions.

L’interprétation qu’a donnée le Conseil pour sortir de ce conflit entre un droit individuel et un droit collectif peut être rapprochée de la problématique qui régit l’exercice du droit d’amendement : ce qui devrait vous rendre particulièrement attentifs à la position que prendra in fine le Conseil constitutionnel dans cette affaire, marquée par une contradiction qui obéit à la même logique que la précédente, entre, d’un côté, l’exercice du droit d’amendement, par essence individuel et, de l’autre, le cadre dans lequel vous voulez le faire entrer. En effet, si, par analogie, le Conseil constitutionnel suit la même démarche et ne déclare pas votre démarche anticonstitutionnelle, il ne manquera pas de rappeler que, le droit d’amendement étant un droit individuel, les députés pourront, à titre personnel, continuer de l’exercer puisque la Constitution le leur reconnaît.

M. Christian Paul. Excellente démonstration !

M. Alain Vidalies. Vous pouvez ne pas m’écouter : je souhaitais toutefois appeler votre attention sur ce léger problème ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert, pour soutenir l’amendement n° 3454.

M. Christian Eckert. Le rapporteur s’est, semble-t-il, offusqué de mon intervention précédente ; s’il avait été attentif, il n’aurait pas manqué de noter que j’avais fait allusion à la rédaction initiale de l’article 7 et non à la version que vous avez ensuite « balancée » et sur laquelle nous nous sommes abstenus pour les raisons qu’a rappelées Delphine Batho.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Vous reconnaissez donc que votre intervention n’avait pas aucun sens sinon faire de l’obstruction ! Je vous remercie de le reconnaître !

M. Christian Eckert. Pourquoi insisté-je sur ce point ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Pour faire de l’obstruction !

M. Christian Eckert. Pourquoi avons-nous souhaité une évaluation renforcée pour certains projets de loi ?

Vous aviez trois solutions, monsieur le rapporteur.

La première était de rester dans le flou – ce que vous avez finalement choisi de faire. La deuxième eût été de donner aux groupes parlementaires une sorte de droit de tirage leur permettant de choisir, au cours d’une session parlementaire, certains textes soumis à une procédure d’évaluation renforcée. Nous n’avons même pas eu l’occasion d’étudier cette disposition puisque votre amendement, qui a récrit entièrement l’article 7, nous a interdit de débattre de nos propositions.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est faux puisque mon amendement reprenait celui que vous aviez retiré au dernier moment !

M. Christian Paul. Calmez-vous, monsieur le rapporteur !

M. Christian Eckert. Quant à la troisième disposition…

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La commission vous a tout simplement empêché de réaliser une manœuvre !

M. Christian Eckert. Souffrez, monsieur le rapporteur, d’écouter mes arguments.

M. Christian Eckert. La troisième solution, que nous examinons, consiste à lisser des thématiques, à fixer des catégories….

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je le répète : la commission a simplement empêché l’opposition de réaliser une manœuvre !

M. Christian Eckert. Il me semble, monsieur le rapporteur que vous n’avez pas la parole. C’est encore au président qu’il revient de la donner.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avoir la parole n’autorise pas à dire n’importe quoi !

M. Christian Eckert. Je vous en prie, monsieur le rapporteur : j’ai le droit de défendre mes arguments. Vous aurez le droit de me répondre le moment venu. Soyez patient !

M. Alain Vidalies. Le président de la commission ne supporte pas la contradiction !

M. Christian Eckert. Peut-être d’ici quelques semaines étudierons-nous l’article 8 : nous nous apercevrons alors que c’est finalement la conférence des présidents qui jugera de la pertinence de l’étude d’impact… Ce sera l’occasion d’un débat intéressant puisque vous placez, une fois de plus, chacun en position de juge et partie.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Le débat a déjà eu lieu : c’est la Constitution

M. Christian Eckert. Mon insistance n’a qu’un objectif : vous aider. Si nous avions pu disposer, dans le cadre de l’article 7, du droit de tirage permettant de réclamer une procédure d’évaluation renforcée, nous aurions pu en faire bénéficier la réflexion sur l’article 13, qui fait débat à l’Assemblée, réflexion qui, me semble-t-il avait été entamée. C’est une de nos demandes : malheureusement, elle n’a pas encore trouvé d’écho et les propos du président Accoyer à cet égard demeurent assez flous.

C’est une question de confiance, me direz-vous… Au moment de la réforme de la Constitution, vous nous aviez déjà renvoyés aux lois organiques en nous demandant de vous faire confiance. Maintenant que nous examinons le projet de loi organique, vous nous demandez de faire confiance au règlement – ce qui, du coup, permet à M. le secrétaire d'État de se défausser…

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Pas du tout !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il est discourtois avec tout le monde !

M. Christian Eckert. …en disant que le règlement de l’Assemblée est l’affaire de l’Assemblée… Je ne doute pas une seconde que le Gouvernement ne s’immiscera pas dans la rédaction de ce règlement. Reste qu’entre la position du président Accoyer et celle de M. Copé, il a peut-être une opinion qu’il nous intéresserait de connaître !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il y a quelques minutes, M. Montebourg demandait l’inverse !

M. Christian Eckert. Nos amendements visent à prévoir l’inscription dans la loi organique d’une procédure d’évaluation renforcée pour tout projet de loi relatif à l’audiovisuel public.

M. Christian Paul. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Mon rappel se fonde sur l’article 58 de notre règlement, qui concerne le déroulement de nos débats.

Le président de la commission des lois, M. Warsmann, qui est aussi le rapporteur du texte – il a donc une double responsabilité dans ces débats – a interrompu dix-sept fois notre collègue Christian Eckert tandis que celui-ci défendait son amendement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Richard Mallié. Vous devenez marseillais !

M. Christian Paul. J’en suis d’autant plus surpris que le président de la commission de lois, qui pourrait tout au long de cette soirée nous faire partager sa conception de l’Assemblée nationale, s’adonne sans interruption depuis vingt et une heures trente à la rédaction de ses cartes de vœux ! Puisque quelques Français nous regardent encore à cette heure-ci, il est important qu’ils puissent savoir de façon très précise…

M. Richard Mallié. Il fait ce qu’il veut !

M. Christian Paul. Vous, vous signez votre parapheur : c’est également votre droit.

M. Richard Mallié. Ce que vous dites n’a aucun intérêt. Permettez-moi de travailler.

M. Christian Paul. Plutôt que de crier à l’obstruction, il serait préférable de vous concentrer sur nos travaux : cela permettrait à l’opposition de mieux comprendre les intentions réelles de l’UMP à ce stade de nos débats… Souhaitez-vous pratiquer l’ouverture, comme l’a souhaité ce week-end le président Accoyer ou, au contraire, vous apprêtez-vous à pratiquer la fermeture, voire le verrouillage le plus total ? Nous avons retrouvé les intonations de Claude Goasguen dans la bouche de Jean-François Copé tout à l’heure : c’était une véritable polyphonie – ce qui laisse à penser qu’un régime à tendance bonapartiste peut également s’adonner à la polyphonie. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mais je vois que le président de la commission des lois, paraît avoir terminé ses cartes de vœux et semble prêt à engager le débat. Si M. le président en est d’accord, je lui cède la parole. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je ne relèverai pas la grande discourtoisie des propos de M. Paul. Il nous y a habitué depuis le commencement de ce débat…

M. Christian Paul. C’est du harcèlement !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je noterai simplement qu’il est contradictoire de reprocher au rapporteur à la fois d’écouter avec tellement d’attention les orateurs qu’il réagit et de faire autre chose ! Mon cher collègue, il faut choisir vos arguments ! En tout état de cause, votre discourtoisie ne vous honore pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP - Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Après l’article 7 (suite)

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot, pour soutenir l’amendement n° 3456.

M. Jean Mallot. Mon amendement n° 3456 vise à soumettre les projets de loi relatifs à l’audiovisuel public à une évaluation renforcée.

Le projet de loi sur l’audiovisuel encore en examen est le contre-exemple de ce que le Gouvernement prétend vouloir faire au travers du projet de loi organique. On notera au passage que le Gouvernement évoquait des études d’évaluation et que le texte prévoit désormais, grâce à M. Warsmann, des études d’impact. Quoi qu’il en soit, s’il avait été précédé d’études d’impact, non seulement la discussion de ce projet de loi se serait déroulée différemment, mais le Gouvernement ne serait pas allé, après avoir déclaré l’urgence, jusqu’à faire examiner par le Sénat une loi déjà en application… Nous sommes vraiment à l’opposé des études d’impact ! C’est le dual, comme on dit en mathématiques !

Deuxième observation, nous avons déposé un sous-amendement dont nous ne doutons pas qu’il viendra en discussion, monsieur le président,…

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Çà non !

M. Jean Mallot. …visant à ajouter, après le mot « public », les mots « et au pluralisme ». Ce sera donc le moment de revenir sur un débat très important relatif, notamment, à la manière de décompter convenablement les temps de parole sur les chaînes de télévision, en particulier celui du Président de la République.

En ce qui concerne plus précisément l’amendement n° 3456,…

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Merci d’y venir !

M. Jean Mallot. …je rappelle qu’une évaluation renforcée pour un tel texte devrait permettre de mesurer l’impact sur les autres médias – presse écrite, radio – de la suppression de la publicité sur les chaînes publiques. Du reste, depuis quelques semaines, la presse quotidienne régionale s’inquiète auprès des parlementaires des conséquences de cette mesure.

Vous me permettrez, monsieur le président, de poursuivre mon propos en m’interrogeant sur l’application de la logique de l’évaluation renforcée aux dispositions de l’article 7 telles qu’elles ont été reformulées par l’amendement Warsmann. Autrement dit, comment cette démarche devrait ou aurait dû s’appliquer au projet dont nous discutons ?

L’amendement qui a modifié l’article 7 précise que le dispositif relatif aux études en question exigerait que soient transmises non seulement la liste des textes d’application du projet de loi envisagé et le délai prévisionnel de leur application, mais également leurs principales orientations. Or il est évident d’autres textes viendront en discussion par la suite, dont un projet de règlement pour l’Assemblée et un projet de règlement pour le Sénat.

M. Jean-Jacques Urvoas. Très juste !

M. Jean Mallot. Il serait donc de bonne pédagogie que le Gouvernement applique d’ores et déjà la démarche retenue par ce nouvel article 7, et qu’il nous informe des dispositions qu’il souhaite voir figurer dans le règlement de l’Assemblée.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Vous vous doutez bien que cela ne figurera pas dans les projets de loi !

M. Jean Mallot. Nous nous trouvons face à une difficulté terrible, car le président de l’Assemblée nationale a tout de même son mot à dire sur le contenu du règlement. Il a réuni et fait travailler pendant des semaines voire des mois un groupe de travail à cet effet avant de se faire court-circuiter par le Gouvernement qui, du reste, cherche un compromis avec l’opposition. De son côté, le président du groupe UMP a fermé la porte, laissé tomber le couperet de la guillotine en disant que c’était fini. Et tout un chacun d’attendre l’arrivée de M. Bertrand pour arbitrer entre les deux puisque, si l’on suivait la théorie léniniste classique, c’est l’UMP qui devrait donner la ligne et M. Bertrand l’exprimer.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Heureusement ! Ce n’est pas au Gouvernement de dicter le contenu du règlement !

M. le président. Merci de bien vouloir conclure, monsieur Mallot.

M. Jean Mallot. Comme M. Bertrand n’est pas là, je suppose que le résultat de l’arbitrage Bertrand-Sarkozy sera donné par la bouche de M. Karoutchi. Le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement devrait exprimer la position du Gouvernement, donc de l’Élysée, pour nous révéler ce que devrait contenir, selon eux, le règlement.

M. le président. Il est temps de finir votre intervention, monsieur Mallot.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Quelle tristesse ! Tout cela n’a rien à voir avec l’amendement !

M. Jean Mallot. Monsieur le secrétaire d’État, nous attendons !

M. le président. La parole est à M. Philippe Martin, pour soutenir l’amendement n° 3457.

M. Philippe Martin. C’est toujours un délice de prendre la parole après Jean Mallot, tant il sait éclairer nos débats, ce dont toute l’Assemblée peut se réjouir. Soyez-en remercié, mon cher collègue !

Je défends l’amendement n° 3457,…

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Vous savez bien que c’est le même amendement que le précédent !

M. Philippe Martin. …qui vise à imposer une obligation d’évaluation renforcée pour les projets de loi relatifs à l’audiovisuel public.

À ce titre, je souhaite revenir sur les propos que le président Copé a tenus dimanche 18 janvier.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cela n’a rien à voir avec l’amendement !

M. Philippe Martin. Le président du groupe UMP disait comprendre que les sénateurs de la majorité, qui ont voté une hausse de la redevance audiovisuelle contre l’avis du Gouvernement, soient « furax ». Jean-François Copé a non seulement dit qu’il comprenait que les sénateurs soient furax – et un sénateur furax…

M. Jean Mallot. C’est quelque chose !

M. Philippe Martin …cela peut devenir très dangereux et incontrôlable –, mais aussi qu’il l’aurait été tout autant s’il avait été à leur place.

Le problème est que souvent la majorité et le Gouvernement veulent aller trop vite. Sitôt que le Président de la République prend une décision, par zèle ou souci de bien paraître, ils en souhaitent la réalisation immédiate. Le projet de loi sur l’audiovisuel est un exemple de cette accélération mal contrôlée. La commission Copé pour l’audiovisuel aurait pu mener cette évaluation renforcée. Or il n’en fut rien puisque sur certains points – je pense aux nominations dans l’audiovisuel public – c’est le contraire qui a été fait.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Ce que vous dites n’a rien à voir avec l’amendement !

M. Philippe Martin. En soutenant cet amendement, je défends l’idée de réaliser une telle évaluation dans le secteur de l’audiovisuel. Elle nous aurait en effet permis d’éviter certains dangers comme le financement de la réforme. On nous avait ainsi annoncé la compensation des pertes publicitaires sur les chaînes publiques à l’euro près ; or, avec Jean-François Copé, les collectivités locales savent ce que cela signifie : il manque toujours de l’argent et notamment pour l’audiovisuel public, soit plusieurs centaines de millions d’euros. C’est la raison pour laquelle entre les sénateurs furax et les députés, le vote a été si difficile à obtenir.

Ma défense de l’amendement n° 3457 prendra la forme d’une carte de vœux adressée au président Warsmann pour l’inviter à revenir à la raison et à voter le présent amendement.

M. le président. M. Christian Paul souhaite-t-il défendre son amendement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Ah oui ! Il est là et bien là !

M. Christian Paul. Certainement, monsieur le président !

M. le président. La parole est donc – rapidement – à M. Christian Paul, pour soutenir l’amendement n° 3459.

M. Christian Paul. Monsieur le président, je le soutiendrai dans le cadre du temps imparti à chaque parlementaire, à moins que vous ne préfériez que je monte le défendre à la tribune…

M. Jean Mallot. Oui, à la tribune !

M. le président. C’est inutile, monsieur Paul, nous vous entendons très bien d’où vous êtes.

M. Christian Paul. L’’amendement n° 3459 est sans doute, parmi tous ceux que nous défendons ce soir, celui dont nous pouvions nous attendre que l’UMP le vote. Pourquoi ? Parce que les parlementaires de la majorité seraient bien inspirés, après ce qu’ils viennent de vivre et avant ce qu’ils vont vivre encore quelque temps au Sénat avec le projet de réforme de l’audiovisuel, de prévoir dans la loi organique l’obligation de consulter, d’évaluer et de mesurer les conséquences des décisions qu’ils prennent.

Le projet de loi sur l’audiovisuel que vous avez voté ici et qui est loin de l’être au Sénat, a pour première conséquence de déstabiliser…

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Le texte a été voté !

M. Christian Paul. Il n’a pas été voté de façon définitive, monsieur le secrétaire d’État !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Il l’a été vendredi !

M. Christian Paul. Une commission mixte paritaire doit encore se réunir, me semble-t-il…

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Certes, mais contrairement à ce que vous dites, le texte a bien été voté par le Sénat !

M. Christian Paul. Ne prenez donc pas vos désirs pour des réalités, la loi est loin d’être entrée en vigueur, même si elle s’applique déjà de fait à France Télévision sur ordre du Président de la République. Seulement, ne vous en déplaise, monsieur Karoutchi, elle n’est pas encore la loi de la République.

Vous auriez été bien inspiré de procéder à quelques consultations avant de la voter. Pas seulement à cause de ses effets dramatiques sur l’audiovisuel public,...

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. . M. Paul est toujours un grand donneur de leçons !

M. Christian Paul. …mais pour quelques effets collatéraux qui sont en train de se produire. On a vu d’abord quelques lézardes dans votre majorité – heureusement, quelques parlementaires de la majorité ont, à l’Assemblée comme au Sénat, eu le courage de refuser cette loi. Ensuite, les chaînes privées qui devaient être les bénéficiaires de vos cadeaux sont en train elles-mêmes de constater des effets pervers de la réforme. La suppression de la publicité à certains horaires sur les chaînes de service public provoque des effets indirects.

M. Claude Goasguen. Quel est le rapport avec l’amendement ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cela n’a rien à voir avec l’amendement !

M. Christian Paul. Nous entendions récemment le directeur général de TF1 se plaindre de ce que les changements horaires en soirée des programmes de France 3…

M. Claude Goasguen. Ça suffit !

M. Christian Paul. Peut-être ne regardez-vous pas Plus belle la vie, monsieur Goasguen.

M. Claude Goasguen et M. Richard Mallié. Avec vous, elle n’est pas bien belle la vie !

M. Christian Paul. Si vous regardiez un peu plus la télévision, peut-être légiféreriez-vous avec davantage de raison et de bon sens. Même les chaînes privées qui devaient bénéficier de vos cadeaux redoutent les conséquences concrètes des mesures que vous avez prises ici.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cela n’a rien à voir avec l’amendement !

M. Christian Paul. À propos de l’audiovisuel comme à propos de l’ensemble des services publics, vous seriez bien inspirés de réfléchir avant de légiférer.

M. Richard Mallié. Nul !

M. Frédéric Lefebvre. Ça ne vole pas haut, on fait vraiment du rase-mottes !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Les propos de M. Paul n’ont rien à voir avec l’amendement ! C’est de l’obstruction, une fois de plus !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Lou Marcel, pour soutenir l’amendement n° 3434.

Mme Marie-Lou Marcel. Je souhaite revenir sur les propos tenus par M. Copé. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Et l’amendement ?

Mme Marie-Lou Marcel. Il a déclaré les avoir tenus de guerre lasse. Sans doute est-il las de ne pouvoir mobiliser sa majorité sur un texte qui constitue un déni pur et simple de démocratie, un musellement de l’opposition.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Oh !

M. Christian Paul. C’est la pure vérité !

Mme Marie-Lou Marcel. J’en viens à l’amendement n° 3434 qui vise à imposer une évaluation renforcée pour les projets de loi relatifs à l’audiovisuel.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteure. C’est toujours le même amendement !

M. Alain Vidalies. Il s’agit d’amendements individuels et non collectifs, monsieur le rapporteur, vous verrez bien ce qu’en dira le Conseil constitutionnel !

Mme Marie-Lou Marcel. Or le projet de loi sur l’audiovisuel a été présenté sans évaluation aucune de ses conséquences. La suppression de la publicité sur les chaînes publiques ne fera qu’accroître les difficultés du service public. Le cadeau que vous faites ainsi aux télévisions privées est estimé à 1 milliard d’euros.

Quelle aura été la déclinaison local de votre texte de loi ? La rediffusion des programmes locaux a été purement et simplement supprimée (« Obstruction, obstruction ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP) dans le but de permettre la diffusion d’une page de publicité juste avant le vingt heures, horaire fatidique. Or ces éditions locales étaient très regardées par nos concitoyens.

M. Michel Herbillon. Mais ce n’est pas un débat sur l’audiovisuel ! Quelle honte !

Mme Marie-Lou Marcel. C’est pour cette raison qu’il me paraît indispensable d’envisager une consultation sur le sujet.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. De nouveau, tout cela n’a rien à voir avec l’amendement !

Mme Marie-Lou Marcel. Cette consultation permettrait au Gouvernement de mieux s’informer sur les besoins et les attentes des usagers avant de lancer un tel projet.

M. Claude Goasguen. C’est incroyable ! C’est donc cela, le comique de répétition ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur tous ces amendements ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est avec toujours la même tristesse que je vais donner l’avis de la commission sur une succession de vingt-deux amendements identiques qui, du reste, reprennent un amendement que nous avons déjà examiné samedi : défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Même avis !

M. Marcel Rogemont. J’ai déposé un sous-amendement et contrairement à ce que le secrétaire d’État peut soutenir…

M. le président. Monsieur Rogemont, la discussion sur les amendements est terminée. Nous allons passer à l’examen de votre sous-amendement.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je suis désolé, monsieur Rogemont, mais, en application de l’article 44, alinéa 2 de la Constitution, le Gouvernement s’oppose à l’examen de votre sous-amendement n) 4559.

M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, si je comprends bien, le Gouvernement oppose l’article 44, alinéa 2 de la Constitution pour refuser l’examen du sous-amendement n° 4559.

M. Marcel Rogemont. Je suis bâillonné !

M. Jean Mallot. Exactement !

M. le président. Je consulte la commission pour savoir si le sous-amendement lui a été soumis.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Non, il ne lui a pas été soumi, monsieur le président !

M. le président. Le sous-amendement n’ayant pas été soumis à la commission, la présidence, conformément à l’article 100, alinéa 3 du règlement, constate qu’il n’y a pas lieu d’en délibérer.

M. Marcel Rogemont. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Frédéric Lefebvre. C’est la suite de la recette du homard !

M. Marcel Rogemont. Je me sens bâillonné : on ne me permet pas, en vertu d’une application… (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Sur quel article fonde-t-il son rappel au règlement ?

M. le président. Monsieur Rogemont, vous m’avez demandé la parole pour un rappel au règlement. Je souhaite qu’il s’agisse d’un véritable rappel au règlement et que vous n’en profitiez pas pour défendre un sous-amendement qui n’a plus lieu d’être défendu.

M. Marcel Rogemont. Vous avez raison, monsieur le président, car si j’avais eu à défendre ce sous-amendement, je vous aurais dit qu’il était bien naturel que les projets de loi relatifs à l’audiovisuel public concernent aussi le pluralisme (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe UMP), mais je ne le ferai pas…

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. L’application de l’article 44, alinéa 2 est de droit et ne doit donc faire l’objet d’aucun débat !

M. le président. Alors venez-en au fait, monsieur Rogemont, sans quoi je vais devoir vous retirer la parole afin de garantir la sérénité des débats !

M. Marcel Rogemont. Je vous répète que je ne dirai pas ce que j’aurai pu dire ! Je souligne simplement que le secrétaire d’État s’est livré à une interprétation sur laquelle notre collègue Urvoas est intervenu à plusieurs reprises et dont je le remercie. Je souhaite donc que la présidence autorise, à la lumière des propos de Jean-Jacques Urvoas, l’examen de sous-amendements déposés en séance, dans la mesure où rien dans le règlement ne l’interdit.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. L’application de l’article 44, alinéa 2 ne fait l’objet d’aucun débat !

M. Marcel Rogemont. C’est pourquoi je vous demande, monsieur le président,…

M. le président. Nous vous avons bien entendu, monsieur Rogemont.

M. Marcel Rogemont. …de revenir sur votre position de façon que je puisse défendre mon sous-amendement.

Après l’article 7 (suite)

M. le président. Sur le vote des amendements nos 3443 à 3464, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

M. Guy Geoffroy. Mais ils sont où, les socialistes ?

M. le président. Un peu de sérénité, monsieur Geoffroy !

M. Marcel Rogemont. Les députés de la majorité sont vexés d’avoir été en minorité une partie de la soirée !

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur les amendements identiques nos 3443 à 3464.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

(Les amendements nos 3443 à 3464 ne sont pas adoptés.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Mallot. De peu !

M. le président. Je laisse votre majorité se défouler un peu, et je vous donne la parole, monsieur le secrétaire d'État.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Monsieur le président, ce n’est pas ma majorité, c’est la majorité du Parlement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement lève la réserve sur les amendements nos 3399 à 3420 et 3509 à 3530, et demande leur mise au vote.

Demande de vérification du quorum

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Je vois qu’à une heure moins le quart du matin, la majorité est enfin soulagée de constater qu’elle est majoritaire. C’était pourtant la moindre des choses… Rendez-vous compte qu’elle a été minoritaire en séance depuis vingt et une heures trente au point que le secrétaire d’État a été obligé de réserver les votes et a dû attendre une heure moins le quart pour pouvoir lever cette réserve !

Monsieur le président, je vous demande de bien vouloir vérifier le quorum : même si la majorité est majoritaire, je ne pense pas qu’il soit atteint…

M. le président. Je suis saisi par le président du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande, faite en application de l’article 61 du règlement, tendant à vérifier le quorum avant de procéder au vote sur les amendements nos 3399 à 3420.

Je constate que le quorum n’est pas atteint.

Compte tenu de l’heure, je vais renvoyer ce vote à la prochaine séance consacrée à l’examen de ce texte et lever la séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, mardi 20 janvier 2009 à neuf heures trente :

Proposition de loi tendant à réduire l'empreinte écologique de la France.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mardi 20 janvier 2009, à zéro heure cinquante.)